La bande ne s'était pas rassemblée au complet depuis quelques temps déjà. Depuis le coup au port d'Édimbourg, ils avaient été trop occupé pour prévoir la prochaine grosse casse. Mais enfin, il semblait qu'en ce mois de Mars le calme était revenu dans la vie de chacun et l'ennuie les poussait donc à se retrouver pour créer un peu de dynamisme dans la vie de chacun.
La réunion se déroulait aux Mines de Blackridge. Ce n'avait pas été évident de trouver une excuse pour fuir ses responsabilités. Le jeune homme avait prétexté un voyage de chasse en compagnie d'ancien camarades de l'académie militaire où il avait passé quelques années. Il était resté évasif sur le sujet afin que ses parents ne puissent pas s'enquérir de ses nouvelles auprès des familles de ses dits collègues et griller sa couverture. Par quelques habiles discussions il avait réussi à se faire excuser pour les trois prochains jours ce qui lui donnait largement le temps de faire le voyage, trouver la bande et revenir à la demeure sans que cela ne pose trop de problèmes.
Il avait remarqué que l'ambiance n'était pas tout à fait la même qu'à l'ordinaire, tout d'abord il mit cela sur le compte qu'un de leur camarade avait été arrêté par les autorités et qu'il risquait de tous les dénoncer, bien que la règle était de ne jamais révéler son identité ici, donc il ne pourrait pas donner de nom, juste décrire des visages au mieux, et encore, la majorité se couvraient. Non c'était autre chose, les gens étaient bien plus à cran.
Tandis que l'assemblée se dissolvait avec le prochain projet à réfléchir et concrétiser dans les semaines à venir, Will emprunta une galerie qui bifurquait du chemin principal. Il avait vu que Myrsela était présente elle aussi, et il se devait de lui parler même si les deux n'étaient pas forcément dans les meilleurs conditions pour échanger en ce moment. Il attendit qu'elle passe près de la galerie et murmura son nom pour attirer son attention, espérant qu'elle le remarque et s'éclipse dans l'ombre pour le rejoindre.
Effectivement, c'était un plan qu'il pensait pouvoir être particulièrement efficace pour dénicher une taupe. Heureusement qu'ils n'avaient jamais dévoilé leurs visages aux restes du groupe. Cela faciliterait grandement l'affaire. De plus, en débusquant cet individu, peut-être que Will pourrait faire d'une pierre deux coups. Actuellement ils cherchaient désespérément les brigands qui avaient dérobé le bateau marchant au port d'Édimbourg. Si Will pouvait livrer les traitres à son père et la Garde en les faisant passer pour les responsables, il aurait au moins la paix. Sinon les enquêtes continueraient et lui et Myrsela pourraient avoir de gros problèmes.
" Très bien, partons là-dessus. Nous verrons les détails plus tard. "
Il la laissa disparaitre dans l'ombre. Le jeune homme resta caché. Ce serait trop suspicieux s'ils débouchaient tous les deux du même boyau en même temps. Il ne faudrait pas qu'on les prenne pour les traitres. Lorsque le temps fut passé, il sortit à son tour se dirigeant vers le reste du groupe.
"Ta seconde idée me paraît plus que valable. Nous le pousserons à se dévoiler sans même qu'il puisse douter du stratagème. Faire croire à une telle transaction ne sera pas malaisée, étant donné nos récents échanges. Y ajouter quelques bijoux pour votre fiancée, en or, pour faire bonne mesure, et nous aurons notre traître, à coup sûr!" La jeune femme était très satisfaite de cette ébauche. Elle se prépara à rejoindre le groupe, mais auparavant elle se tourna une dernière fois vers l'ombre qu'était Will: "Il faudra que nous en reparlions, mais plus tard. A bientôt." fini pour moi.
« J’y réfléchis encore. Je crois que le mieux et de chacun analyser nos camarades. Peut-être devrions nous nous répartir les observations de façon à pouvoir plus s’y appliquer. Quand nous aurons une meilleure idée de la personne à viser nous pourrons toujours profiter d’un moment d’action pour frapper. "
Il réfléchit quelques instants avant qu’une idée ne lui traverse l’esprit !
« Non j’ai mieux ! Nous n’avons qu’à duper les autres. Une fausse mission. Nous pourrions faire en sorte qu’un d’eux intercepte un courrier avec des informations fausses mais qui semblent vraie. Par exemple une vente entre nos deux familles d’un gros nombre de chevaux, ou quelque chose du genre. Mais ce ne serait qu’un mensonge. Nous ferons en sorte que celui qui croyait nous prendre au piège fasse un faux pas, nous l’y obligerions en prévoyant tout à l’avance. Ce moment d’action confirmera alors nos doutes, il se dévoilera. »
Pour le moment ce n’était que l’ébauche d’une idée. Si Myrsela lui laissait quelques jours il aurait le temps de le finaliser, à moins qu’elle n’ait un commentaire à rajouter ?
"Mais encore? Quelle solution préconises-tu?" Il fallait davantage d'informations à la jeune femme sur les idées de Will à ce sujet. Elle se redressa, remettant correctement ses gants en cuir qui cachait des mains trop délicates à première vue pour être celle d'un homme. De sous sa capuche, l'aristocrate surveillait les alentours.
Certes mais n'étaient-ils pas tous un peu comme ça ici ? Beaucoup espéraient amasser assez de richesses pour se sortir de la misère, du moins c'était les discours qu'ils tenaient. Même si au fond, un peu à la manière de Robin des Bois, ils redistribuaient au plus démunis les restes d'un gros casse, ils n'en restaient pas moins motivés par des raisons égoïstes à la base.
" C'est peut-être un point de départ. Nous devrions faire attention à lui, surtout si on doit être ensemble pour le prochain coup. Je pense que nous devrions en profiter d'ailleurs pour confirmer notre hypothèse, de cette façon nous pourrons frapper au plus vite et faire disparaitre le problème. "
Il se redressa du mur contre lequel il était appuyé et tourna la tête vers la galerie principale ou la flamme dansante d'une torche venait d'éclairer les murs poussiéreux.
Oui. Comment nier un tel fait. Elle se massa les temps de ses doigts. L'existence était bien plus ardue quand on se résignait à vivre pleinement, ne se contentant pas de survivre. Elle secoua la tête, incertaine. "Pour être infiltré parmi nous, il faut aimer l'argent au point de risquer sa vie. Les compagnons de la troupe ne sont pas des enfants de coeur. Il y en a un que j'ai vu lorgner à plusieurs reprises sur les parts des autres. Il ne dit mot et observe tout." Ce n'était pas suffisant, mais c'était une piste.
Elle marquait un point. Il ne voulait pas le prétendre avant d'en être certain, mais Myrsela venait de confirmer qu'ils étaient alliés de par leur situation respective. C'était cohérent. Toujours tapis contre la paroi de la galerie il opina d'un mouvement de tête.
" Effectivement. "
Rien de plus à rajouter. La demoiselle semblait avoir des idées. Elle était pleine de ressources comme toujours. Il le fallait bien quand on menait une double existence.
" Comment savoir lequel de nos collègues est un traitre ? Tu as su le repérer ? "
Demanda-t-il intrigué par la quantité d'informations que la bourgeoise possédait vis à vis de la situation.
Pour sa part il n'avait pas encore été si loin dans son enquête.
La jeune femme eut un soupir amusé, s'appuyant contre la paroi. Peut-être les quelques gorgées de whisky lui avaient permis de s'affranchir de sa réserve légendaire: -Will, soyons honnête. Depuis que nous savons qui et qui, nous sommes nécessairement alliés. Du moins dans ce monde-ci. Elle était totalement d'accord avec le concept suggéré par le jeune homme. La noble éleveuse de chevaux savait que l'univers de la nuit que tous deux avaient choisi des voies plus sombres... -J'ai songé à les éliminer de manière plus ou moins discrète de la course.
Il baissa la tête en réfléchissant. Il ne voulait pas se montrer présomptueux en lui proposant une alliance, comme si elle avait besoin de lui pour survivre dans ce milieu. Juste il était plus avisé de ne pas se savoir seule face à l'incertitude et à la traitrise du monde.
" Je pense que nous devons essayer de trouver la taupe et l'éliminer. Nous ne pouvons pas nous permettre de courir de risques. Et je pense que si nous sommes deux plutôt que seul dans notre coin nous pourrons rassembler les indices plus vite et lui couper l'herbe sous le pied. "
Expliqua-t-il sans avoir d'idées précises sur la façon dont cela se passerait.
Le jeune homme pensait que ce serait pour le mieux. Deux paires d'yeux et deux têtes valaient mieux qu'une.
Les autres membres de la troupe avaient disparu. Une autre personne. La jeune femme fut perplexe. Ce ne serait pas idiot d’avoir placé deux informateurs, pour croiser les sources...Mais c’était terriblement dangereux, oui. Et tous deux en avaient conscience. Elle approcha de l’homme. Elle savait pourquoi elle avait voulu être ici, pour être autre chose qu’une potiche. « Merci de m’avoir informé de tes doutes. » Mais le jeune homme ne semblait pas à bout d’idées sur le sujet. Il hésitait, son attitude le criait. La voix de Myrsela se refroidit. Elle savait ce que cela impliquait. « Que veux-tu que je fasse. »
William tourna la tête vers la galerie centrale adjacente à celle où il avait trouvé refuge pour discuter avec Myrsela. Il n'entendait plus les pas des autres ce qui signifiait qu'ils devaient s'être éloigné. Il tourna alors la tête en direction de sa camarade.
" Oui. Mais je crois qu'il n'est pas le seul. Il y a quelqu'un ici, quelqu'un qui n'est pas notre allié. Je n'arrive pas à savoir qui. Malgré tout j'en ai la certitude. Nous sommes dans une position dangereuse. "
Expliqua-t-il bien qu'il sache que la jeune femme soit tout autant au courant de lui de ce que représentait la situation actuelle.
Il hésitait à continuer sur sa lancée, il ne savait pas si Myrsela verrait sa proposition d'un bon oeil. Ils n'avaient peut-être pas beaucoup de choix de toute façon. Le laird s'appuya contre la paroi rocheuse de la mine et soupira. Les voilà qui étaient dans une bien mauvaise situation. L'adrénaline qui parcourait son corps en revanche, était plus intense que tout, ce qui le poussait à toujours revenir se mettre en danger et l'éloigner d'une vie et une routine qu'on définissait pour lui.
Elle essayait de se détendre. L'homme en face d'elle n'était pas un réel ennemi, même si elle pouvait craindre bien des choses de leur étrange situation. Elle tenta de respirer en biais, qu'il ne perçoive pas les vapeurs de l'alcool qu'elle avait commencé à consommer. Elle s'attacha à la pensée du jeune noble. Dans l'ombre de sa capuche elle fronça les sourcils: "...comme si il était de mèche avec eux...Je le trouvais louche, et à tendance fourbe."
La jeune femme y avait déjà pensé même si c'était...Vraiment grave. Il fallait couper court aux agissements de cet homme. A tout prix.
Elle l'avait entendu et s'était dirigée vers lui pour finalement le reconnaitre et ne plus vraiment vouloir être là vu son mouvement de recul. Will attendit que les autres passent pour lui adresser la parole, il ne voulait pas se faire surprendre, il savait que ce ne serait pas une bonne chose. De plus il ne savait pas à qu'il pouvait faire confiance ici, la seule était Myrsela car l'un comme l'autre était vulnérable du fait qu'ils connaissaient les identités de chacun.
" Il y a un truc qui ne tourne pas rond. Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus mais je suis sûr que toi aussi tu le ressens, non ? Quelque chose ne me semble pas logique dans l'emprisonnement de Nick. Comme si ... "
Il ne termina pas sa phrase car il n'était pas certain de ce qu'il allait annoncer, ou plutôt craignait qu'on ne les surprenne et que cela cause un chaos.
La jeune femme avait été conviée à une nouvelle réunion de la troupe. Les nouvelles semblaient mauvaises, et si la noble était relativement couverte (car elle avait un double enjeu à ne pas révéler son identité) elle n’en demeurait pas moins anxieuse. Son existence n’était pas des plus simples. Myrsela avait subi la demande express de sa belle famille de se...trouver un époux parmi la liste non exhaustive de ceux qu’on lui avait si obligeamment proposé. Et ce soir elle s’était abritée dans l’une des bifurcations du labyrinthe qu’était cette mine. Elle avait à nouveau subtilisé une bouteille de whisky. Son fidèle destrier l’attendait caché dans les fourrés, attendant l’ordre de se présenter, et elle n’avait pas hésité à la tirer de sa sacoche pour la déguster par brèves lampées dans l’obscurité de son recoin. Myrsela vit que l’heure était à rejoindre la bande, cacha la bouteille entamée sous sa cape. Elle mit sa capuche et entama le chemin, quand un murmure attira son attention sur le côté. Discrètement elle bifurqua donc, et soudain reconnut l’allure de William. Elle eut un très léger mouvement de recul.
« Que puis-je pour toi . »