Ouvert à : Noblesse, Bourgeoisie, allégeants Mackinnion
Pas d'ordre de passage prédéfini
Aujourd’hui était un jour particulier. Ariane Fergusson et William Mackinnion concrétisaient l’union entre leurs deux nobles familles par leurs fiançailles. Le mariage ne tarderait pas à souder pour toujours cette alliance.
Cette après-midi, une immense réception avait été organisée au CastelMackinnion afin d’exposer le pouvoir des Fergusson et des Mackinnion. Une démonstration de pouvoir digne de ce nom puisque masquée sous les belles parures d’un évènement heureux.
Le château avait été décoré somptueusement aux couleurs de la Noblesse. Le lynx puissant de la famille Fergusson et le cerf royal de la famille Mackinnion paraient en alternance tous les coins de la demeure.
Á l’extérieur de grandes toiles avaient été dressées pour protéger le banquet des potentiels intempéries, pendant que sur la petite scène en granit blanc un orchestre jouait quelques mélodies joyeuses. Les Nobles avaient réellement fait des efforts pour organiser une célébration digne de ce nom.
Il y avait beaucoup de personnes présentes à l’évènement. Personne ne souhaitait rater ça, d’autant plus que c’était l’occasion de tenter de négocier de nouvelles alliances. Dans la joie et la bonne humeur, il était bien plus facile de négocier un traité que lors des querelles infernales. Tout ce beau monde profitait de l’animation de cette belle après-midi de Septembre.
La discussion avec les bannerets du Laird Grégory fut de courte durée, à l'image des différentes rencontres qu'ils firent cet après-midi là. En effet, le banquet de fiançailles n'était qu'un évènement où chaque famille venait apprécier les rapports de force des clans concurrents. Il convenait donc de ne laisser que quelques informations de courtoisie filtrer dans leurs mots, suffisamment pour que tout un chacun comprenne les intentions affichées de l'autre sans en connaître la véracité exacte.
Très vite après leur discussion avec les suivants Grégory, l'orchestre de la famille Mackinnion commença les différentes valses et les invités s'éparpillèrent dans la salle. Le centre de la pièce rassemblait les jeunes gens des Highlands, sous le regard attentifs de leurs aînés. Comme le voulait la coutume, William et Ariane ouvrir le bal sous les applaudissements des invités présents ce jour-là. Leur danse était convenue, polie et courtoise: la danse de deux jeunes gens ignorant tout l'un de l'autre. Si Ariane apprécia la technique de danse de son cavalier, elle n'en dit rien.
L'après-midi se poursuivit ainsi, sans qu'un quelconque évènement ne vienne troubler ce qu'avaient prévu leurs parents respectifs.
La réponse de sa fiancée fut plus que brève, voire même évasive. Le jeune homme se demandait ce que cela pouvait bien signifier. Les alliances politiques lui avaient tellement pris la tête dernièrement entre les réunions de son père et ses propres affaires qu'il était sur ses gardes. Savoir que Ariane connaissait M.Knox ne le rassurait en rien mais il ne pouvait pas se permettre de douter d'elle avant même leur mariage.
Suivant la direction de sa fiancée, il observa les individus désignés. C'était ce qu'il y avait à faire évidemment, mais William n'en avait pas envie. Rien que cette réception ne l'enchantait guère. Pas qu'il avait un problème avec Ariane et leurs familles, simplement que tout ceci n'était qu'un mensonge pour leurrer les gens, pour leur faire voire oh combien la famille Mackinnion était puissante, riche, et possédait des alliances solides. Toutes ces apparences qui horipilaient le garçon. Cependant il ne pouvait se rebeller maintenant. Il ne pourrait sans doute jamais se rebeller. S'il était ici avec un tel confort de vie c'était bien car sa famille agissait de la sorte depuis des lustres, il ne briserait pas le cercle car il en était ainsi pour les générations à venir.
" Bien sûr. Ne perdons pas de temps et allons à leurs rencontre. "
Déclara-t-il avec un ton qui ne trahissait aucunement ses pensées.
Il se retrouva rapidement à hauteur des suivant Grégory et entama une discussion polie avec eux, évitant les sujets sensibles.
La réponse de William fut suffisamment vague pour laisser deviner à Ariane que ce dernier se méfiait de M. Knox et des activités de celui-ci. Elle n’en fut pas surprise. Dans la logique des alliances actuelles traversant l’Ecosse et du fait des activités illégales du prêcheur protestant, il allait de soit que la famille Mackinnion ne le portait pas dans son coeur.
“J’ai en effet eu l’occasion de les rencontrer sur nos terres ces derniers mois”
Sa voix était assurée. Ariane avait pris le parti de ne pas en dévoiler davantage à son fiancé. Cela ne ferait qu’attiser les hostilités entre les deux hommes - ce qu’elle ne souhaitait pas.
Les invités s’étaient éparpillés dans la salle de banquet et tous discutait avec animation. Philips, le frère d’Ariane, était en pleine conversation avec un dignitaire français d’une quarantaine d’années qu’Ariane ne reconnut pas. Ses parents s’entretenaient avec le Laird Mackinnion et son épouse - sans doute pour la suite des évènements et se complimenter mutuellement du scellement d’une si belle union pour l’Ecosse. Quant à ses frères, sans doute s’étaient-ils éclipsés dans le parc où se trouvait les jeunes gens des familles invitées.
Ariane se tourna vers William, lui indiquant d’un mouvement de tête des bannêrets du Laird Gregory.
“Il serait stratégique d’aller à leur rencontre, ne pensez-vous pas?”
Ariane l'interrogea au sujet de la famille Knox. Le jeune héritier marqua un arrêt qu'il ne prolongea guère mais juste suffisant pour que sa fiancée remarque le malaise qu'il ressentait. Ce n'était pas qu'il ne l'aimait pas, disons que les conventions le voulaient, leurs familles étaient ennemis à cause de leur croyance. Pour sa part il ne connaissait que très peu l'homme en question. Cependant il avait une bonne idée de ce que ce dernier complotait et cela ne plaisait pas à William. Lors de ses manigances de mercenaires il avait eu vent d'une activité peu recommandable auquel Mr.Knox prenait part et depuis il l'avait à l'oeil.
" Nous ne nous connaissons guère. Il est déjà passé au Domaine pour s'entretenir avec mon père, et nous nous sommes vu brièvement à Edimbourg quelque fois. Je ne pourrais pas dire que je suis particulièrement proche de la famille Knox. Mais qui sait ce que l'avenir réserve. Et vous, avez vous eu l'opportunité de les fréquenter ? "
Demanda-t-il avec la ferme intention de reporter la conversation sur elle.
Ariane, bien que stressée, semblait bien plus à l'aise à la conversation. Lui n'était pas vraiment trop confiant bien qu'il ne le montre pas. Son mutisme pouvait être mis sur une froideur qu'il était censé dégagé, peut-être une attitude hautaine.
Ariane s'inclina à son tour respectueusement lorsque la demoiselle Owen leur présenta de nouveau ses félicitations et ses voeux de bonheur pour leur mariage. Lui addressant un sourire sincère, elle attendit quelques instants avant de porter de nouveau son regard vers le couple Knox et les invités l'entourant. En quelques secondes, un nouveau couple les avait rejoint. Cela eut le mérite de nouveau capter son attention.
Ariane n'avait pas particulièrement de mauvaises pensées à leur encontre. C'était même le contraire: ils la fascinaient en quelque sorte. Quelques semaines auparavant, à l'occasion de leur désaccord sur le prélèvement des impôts, elle avait pu discuter quelques minutes avec Marjorie. Celle-ci était une femme éclairée et instruite - chose rare pour sa classe sociale. De plus, se dégageait d'eux un charisme intéressant. Alors même que la population de leurs terres était historiquement catholique, ils parvenaient à les faire changer d'avis avec une facilité déconcertante. Tout cela piquait la curiosité de la jeune Fergusson.
Toutefois, elle savait que cela ne serait pas bien perçu, ni par ses parents, ni par la famille de son fiancé, ni par William lui-même. Tous appartenaient à des familles partisanes de la couronne écossaise et bénéficiant du soutien papal sans faille. Aussi, elle pris pour acquis que William ne portait guère Knox dans son coeur.
Elle tourna la tête vers son fiancé.
- Avez-vous déjà rencontré Mr. Knox et son épouse?, demanda-t-elle sur une expression de curiosité.
Ariane se détendit à ses côtés. Il en fut soulagé, bien que pour sa part il demeurait sur le qui-vive prêt à réagir au quart de tour s'il le fallait. La demoiselle Owen poursuivait une discussion courtoise avec eux, ce qui ne lui déplaisait pas. Il avait du respect pour cette femme, ne croyez pas le contraire, mais n'étant pas dans une alliance politique avec sa famille, il pouvait se permettre d'être moins "parfait" en sa présence. Il ne tolérait tout de même pas les erreurs, il ne pouvait pas ternir la réputation de sa famille qui que soit devant lui.
" Merci Demoiselle Owen. Nous espérons que vous continuerez de passer un bon moment à cette réception. Nous nous croiserons sûrement plus tard dans la soirée. "
Dit-il en inclinant la tête avec respect.
Son regard se porta alors sur le reste de la pièce. Un de ses vassaux discutait avec le couple Knox. Il avait cru voir Ariane les observer avec attention. Cette dernière ne disait rien mais avait l'oeil vif. Le Mackinnion se demandait ce qu'elle pouvait bien penser à leur sujet. Lui ne pouvait pas dire qu'il les appréciait.
" Nous sommes heureux que la réception plaise. Cela ne fut pas une mince affaire à organiser. Cependant avec une entreprise comme la votre, je me doute que vous devez vous y connaitre dans l'organisation. " Vous êtes trop aimable mon Seigneur...Mes meilleurs voeux pour cette vie infernale!Mieux vaut mon entreprise que la vôtre! Un léger sourire s'esquissa sur les lèvres de la jeune femme. Voilà ce qu'elle pourrait répondre, si elle en avait l'audacieuse franchise. -Je vous comprend. Cela demande beaucoup de rigueur et de...diplomatie, comme dans la plupart des entreprises.
Myrsela jeta un rapide regard émeraude à la fiancée. Elle n'allait pas les indisposer plus longtemps... -Je vous remercie de m'avoir accordé de votre temps, qui est pourtant si précieux. Madame, encore mes félicitations. Seigneur...J'espère que la suite des évènements sera aussi réussie... Elle s'inclina , et recula d'un pas.
La discussion avec la demoiselle Owen était courtoise, toute en convenance. Quand Myrsela évoqua le bonheur de cette journée, Ariane lui offrit un sourire poli: il ne s'agissait pas de répondre, seulement de conserver les apparences que leurs parents avaient mis tant d'efforts et de temps à bâtir. Rapidement, l'attention de la jeune demoiselle se porta sur son fiancé. Cela laissa, à son tour, quelques secondes à Ariane pour souffler un peu et William put sans aucun doute percevoir cela, à la façon dont ses doigts se relachèrent sur son avant-bras. Les laissant discuter, elle porta son regard sur les différentes personnes présentes dans la pièce.
Ses yeux verts - trait caractéristique de la famille Fergusson, avec leur chevelure auburn - divaguèrent sur la foule avant qu'un petit groupe de personnes ne capte son attention, de l'autre côté de la pièce. Ils se trouvaient sous le tableau généalogique des Mackinnion, là où son nom serait bientôt présent, après leur mariage religieux. Ariane reconnut ces quelques hommes bedonnants et ces femmes élégantes au corset extrêmement serré. Parmi eux, John Knox et sa toute nouvelle épouse, Marjorie Bowes. Tous deux de fervants pratiquants, à la tête du mouvement protestant écossais. Ariane les avait rencontrés quelques semaines auparavant: alors qu'elle accompagnait son frère et son père pour le prélèvement annuel des impôts. Knox avait rassemblé ses partisans pour manifester contre ceux-ci. Finalement, après quelques menaces proférées, la situation s'était calmée et les Fergussons avaient conclu un accord avec lui.
Ariane fronça les sourcils. Aux côtés de Knox, se trouvait un vassal des Mackinnion connu pour avoir financé de nombreuses révoltes protestantes. Toutefois, après avoir rencontré le regard de Marjorie, une expression neutre voir joyeuse caractérisa ses traits et elle s'interessa de nouveau à la discussion qu'entretenaient William et Myrsela.
Ils ne se dirigeraient donc pas vers le banquet. Ce n'était pas une mauvaise chose puisque nombreux étaient les invités qui profitaient de la nourriture en abondance offerte gracieusement par les Mackinnion et les Fergusson. Bien qu'on leur aurait laissé place, William préférait ne pas avoir à se déplacer vers une foule plus grande.
L'étreinte sur son bras était moins agréable que lors de leur balade dans les jardins de la matinée. Il sentait la jeune femme beaucoup plus tendu, et il comprenait son malaise. Lui-même n'offrait pas un bras très confortable à Ariane, et il s'en excusait bien qu'aucun des deux ne l'admettraient devant la foule. Impossible de faire tomber le masque. The show must go on.
Le couple prit la direction de la demoiselle Owen. Tandis qu'ils s'avançaient dans la pièce, quelques personnages leurs adressèrent des paroles. Chacun voulait voler quelques minutes de leur temps, être le premier à recevoir leur attention. Le jeune héritier trouvait cette attitude bien ridicule, cependant pouvait-il réellement se moquer alors qu'il jouait le rôle du pion, agissant sous les ordres de ses parents ?
Heureusement, ils arrivèrent rapidement devant leur invité. William adressa un sourire sympathique à la jeune femme. Il était toujours très reconnaissant de l'hongre qu'elle avait choisi pour Ariane. La demoiselle Fergusson fut la première à prendre la parole, il se tint à ses côtés discrètement, silencieux. Les deux jeunes femmes conversaient au sujet de la réception, il se contentait de souffler un instant, faisant retomber la pression. Au bout d'un instant il croisa le regard de Myrsela Owen, l'interaction ne dura qu'un instant, si bien qu'il aurai pu croire l'avoir rêvé, mais pour une raison étrange, il était persuadé qu'elle l'avait fixé.
" Nous sommes heureux que la réception plaise. Cela ne fut pas une mince affaire à organiser. Cependant avec une entreprise comme la votre, je me doute que vous devez vous y connaitre dans l'organisation. "
Le garçon avait noté un léger sarcasme dans sa voix, il préféra en faire abstraction pour l'instant.
La jeune femme était très agréable, et douce. C'était assurément une marque de bonté que de venir s'adresser tous deux à la simple Owen. -Madame, tout se passe pour le mieux. J'espère que ce jour est aussi beau pour vous que pour moi... murmura-t-elle, avec un sourire à l'intention d'Ariane. Puis son attention revint à William Mackinnion. Curieusement, quelque chose en cet homme lui semblait familier, mais comment oserait-elle lui poser de pareilles questions? Non, seulement elle fut plus attentive, cherchant le détail qui lui permettrait de dénouer le fil de cette trame. -Seigneur, cette réception surpasse les attentes de tous à ce qu'il semble. Ajouta-t-elle avec un ton neutre, doté d'une pointe d'ironie.
La foule les regardait avec attention, soucieuse de percevoir le moindre signe, la moindre faille au protocole. Ariane, comme William, le savait: c'est à ce moment précis de l'officialisation de leur union que de nombreux dignitaires écossais se feraient une opinion d'eux. Seraient-ils un couple puissant en Ecosse et en Europe? Ou simplement de jeunes adultes à peine sortis de l'enfance facilement impressionnables et manipulables? Aussi, de la même manière que le fit son fiancé, ses lèvres s'ornèrent d'un sourire assuré, enthousiaste adressé aux invités de la cérémonie. Sa main était également posée sur l'avant bras de l'héritier Mackinnion. Tout était un symbôle: celui d'un couple uni, sans faille, représentant l'Ecosse des lendemains nouveaux. Pas de doute, les deux jeunes fiancés se fondaient parfaitement dans leur rôle et faisait honneur à leurs familles respectives.
Rapidement toutefois, les invités se dissipèrent partout dans la salle de banquet. Nombreux sont ceux qui vinrent leur présenter leurs hommages, leur souhaitant beaucoup de félicité dans cette union si prometteuse. Ariane les remercia poliment, respectant à la lettre l'étiquette de la cérémonie. Cependant, ils se dirigèrent ensuite vers le banquet et vers leurs amis présents ce jour-ci, laissant William et Ariane respirer quelque peu. Son regard vert rencontra de nouveau celui de William.
"Je n'ai pas faim, merci", répondit-elle. Malgré son calme semi-apparent, William pouvait sentir ses doigts légèrement crispés sur son avant-bras. Son estomac était noué par la pression ressentie lors de cette journée. Mieux valait ne pas manger.
"Dirigeons-nous alors vers Mademoiselle Owen."
Elle accueillit sa proposition avec un sourire non simulé. L'image d'Urane flotta quelques instants dans son esprit: Wiliam avait réellement eu une bonne idée en lui offrant un tel hongre. Il était magnifique.
Ils s'approchèrent ainsi de la demoiselle Owen, saluant au passage les quelques nobles sur leur chemin. Ils atteignirent rapidement la porte fenêtre dans le cadre de laquelle se trouvait Myrsela. Celle-ci leur adressa une révérence protocolaire et ses voeux pour leur fiançailles. A leur tour, William et Ariane s'inclinèrent devant elle.
"Demoiselle Owen, nous sommes ravis de vous accueillir en ces festivités. Avez-vous besoin de quelque chose?", demanda-t-elle poliement.
Elle se rendit compte que le regard des deux nouveaux époux planait sur elle. Voilà une entrée en matière honorable, s'ils décidaient de venir lui parler dans les premières personnes...Myrsela attendit donc, droite et fière comme les usages le souhaitent, car c'est sous le signe de la tradition que se déroulait cette journée n'est-ce pas? Les dignitaires de ces terres se hasardèrent donc auprès de ceux qui deviendraient sans nul doute dans l'avenir un couple puissant dont se partager les faveurs seraient un grand pouvoir. Ensuite, à leur passage, la jeune s'inclina en une révérence assez élégante, avant de poser son regard d'un vert mêlé sur les mariés, leur adressant les voeux de circonstance.
Les fiancés se regardèrent un bref instant. Peut-être furent-ils les seuls à constater de l'anxiété de chacun. William devinait que qu'Ariane ressentait, et inversement la jeune fille devait avoir une idée de ce qui lui traversait l'esprit. Ils n'eurent pas le temps d'échanger un mot que l'homme d'Église soulevait le contrat à présent signé d'une plume et des seaux de leurs familles devant la foule. Les invités applaudirent. Ce fut comme si quelqu'un enfonçait le dernier clou dans le cercueil. Voilà, c'était officiel aux yeux de tous. Il n'y avait plus d'échappatoire.
Malgré tout, il offrit un large sourire à la foule pour témoigner de sa joie face à l'évènement. Il était heureux d'être là devant eux pour officialiser son union avec Ariane Fergusson, aujourd'hui était un jour heureux. C'était le rôle qu'on attendait de lui, et donc celui qu'il jouerait. Il était prisonnier des conventions sociales et ne pouvait les fuir, le plus facile était encore de jouer le jeu.
La musique s'éleva et les invités se dirigèrent vers le banquet, d'autres restèrent attrouper pour discuter. William eut soudain l'impression de mourir de chaud. Il avait besoin d'air. Son regard gris se porta sur celui de sa partenaire, elle était tout aussi silencieuse que lui.
" Que souhaitez-vous faire en premier ? Avez-vous faim ? Souhaitez-vous aller à la rencontre de nos invités ? "
Demanda-t-il en se concentrant sur la jeune femme.
Focaliser toute son attention sur la demoiselle Fergusson lui permettait d'oublier temporairement qu'il était pris de vertige.
Dans son champ de vision périphérique, il aperçut Myrsela Owen parmi la foule. Elle était vers l'une des porte fenêtre ouverte sur le jardin. L'occasion parfaite de se rafraichir un peu.
" Que diriez-vous d'aller discuter avec Mademoiselle Owen, nous n'avons pas eu le temps de faire vraiment connaissance ce matin ? "
Proposa-t-il à Ariane avec un léger sourire sur le bord des lèvres.
Leurs pas les mena au centre de la pièce de banquet, où un bureau au bois d'ébène avait été installé. Trois hommes les y attendaient: les notaires des deux familles et l'évèque d'Edimbourg, invité pour l'occasion. En levant la tête, Ariane reconnut Sir Nelson, le spécialiste juridique au service de sa famille depuis plus de trente ans. Il était l'homme qui, avec le notaire des Mackinnion, avait rédigé les clauses du mariage après les négotiations entre les deux Lairds. Cette alliance - si hautement stratégique pour le destin de l'Ecosse - avait été longtemps et âprement négociée: depuis l'enfance des deux fiancés, les parents s'étaient rencontrés à intervalles régulier pour préparer le mariage. Le jeu d'alliance sur les îles Britanniques et sur le continent européen avait accéléré le processus. Tout particulièrement les crises dues au protestantisme en France, allié historique de l'Ecosse, avait rapproché les deux familles. Aussi, les deux notaires s'étaient-ils hâtés de former le contrat posé sous leurs yeux.
L'homme de foi prit la parole en premier, imposant le silence aux quelques brouhahas des invités qui commentaient le jeune couple ainsi formé. Il était question d'engagement perpétuel, devant Dieu et devant les Hommes. De devoir ensuite, l'un envers l'autre - protection, service, soutien, fidélité - puis envers Dieu - leur rappelant leurs impératifs moraux. Rien ne fut exclus. D'amour enfin, au sein de l'Eglise, pour célébrer les futurs enfants qui feraient suite à cette alliance, pour pacifier l'Ecosse pour les siècles à venir. Ariane l'écouta d'une oreille. Si la jeune femme avait été élevée dans la religion catholique conformément à la religion de ses parents, ses différents voyages en Europe l'en avait éloigné quelques peu. Les paroles d'un tel homme n'avait plus la même autorité sur elle, quand bien même elle demeurait croyante. Enfin, l'évèque les bénit et vint le temps des signatures.
Son regard se porta sur William. Il était le premier à signer et donc le premier à s'engager personellement. Sa main ne trembla pas alors qu'il signa de son nom le papier posé devant lui puis, après avoir faire couler de la cire rouge sur celui-ci, le marqua de son sceau. Ariane leva les yeux vers Nelson, qui hocha la tête. L'évèque déplaca le papier devant elle. Elle prit la plume mise à sa disposition, en trempa le bout dans l'encre noir, et traça sa signature à gauche de celle de William, avant d'y apposer son sceau également. Ils étaient maintenant officiellement et légalement fiancés l'un à l'autre et s'étaient engagés à se marier et à passer le reste de leur vie ensemble. C'était un sentiment étrange que de se priver volontairement de sa liberté pour se lier à une personne qu'elle ne connaissait pas. Sa condition de femme cependant nuançait ce propos: elle n'avait jamais été vraiment libre. Toujours avait-elle été sous la responsabilité d'un homme: son père ou son frère, le temps de leur voyage en Europe. Aussi, le contraste n'était pas celui que vivait William.
Ariane se demanda ce qu'il pensait actuellement en croisant son regard. Ils ne s'étaient que très peu parlé, ne connaissaient rien l'un de l'autre. Elle ne connaissait pas son avis sur ce mariage. Sa vie durant, sa mère l'avait préparé à cette fatalité et elle l'avait accepté - espérant secrètement que sa relation avec son époux lui permette autant de liberté que Mary Fergusson n'en avait eu avec le Laird. Etait-ce le cas de William?
Le contrat fut soulevé par l'homme d'Eglise qui le montra à la foule, l'officialisant ainsi. Survint un applaudissement général alors que les fiancés se tournaient vers leurs invités. Après quelques instants, le Laird Mackinnion déclara que les festivités étaient ouvertes, à commencer par le banquet. Les musiciens, installés dans l'un des coins de la grande pièce, commencèrent à jouer une musique joyeuse et tous se mirent à discuter avec animation dans la salle.
Elle observa, les coutumes, les visages, les usages qui dictaient ce que les visages devaient exprimer...Fascinant. Heureusement qu'un part de son destin c'était déjà jouer à ce propose, et qu'elle n'aurait sans doute jamais à vivre telle tâche.En fait,elle plaignait autant l'homme que la femme sur un point de vue: celui de la liberté.Aucun n'en avait d'ailleurs ici bas, en cette terre rude. Et elle, pauvre d'elle. Brindille au milieu de puissante forêt, elle se ferait piétiner sans vergogne si elle manquait de tempérament; heureusement pour elle , du caractère elle en avait à revendre , et gare à celui qui s'y exposait. En pleine lumière Myrsela ressemblait pour beaucoup à nombre de femmes sans rien de particulier, mais dans l'ombre, seulement dans l'ombre, se révélait la vérité.
Les deux jeunes gens se trouvaient au centre de l'attention à présent. N'étant pas les aînés de la famille, cette soudaine importance qu'on leur prêtait leur était inhabituelle. Ils étaient mal à l'aise bien qu'aucun des deux tourtereaux ne le montrait.
Ils traversèrent la foule qui se coupa sur leur passage, laissant place à un couloir humain. Ils passèrent devant Myrsela, que le jeune homme reconnut, il ne se permit pas de la saluer de nouveau et se contenta donc d'échanger un bref regard avec elle. C'était convenable après le service qu'elle lui avait rendu en fournissant une magnifique monture à sa fiancée.
Le temps s'écoula en un claquement de doigt avant qu'ils n'arrivent au lieu de la cérémonie. Il s'agissait de la pièce de banquet qui possédait une immense baie vitrée sur le jardin, là où se déroulait une grande partie des festivités.
On les attendait déjà devant la table pour la signature du contrat. Les notaires de chaque famille, accompagné d'un membre de l'Église catholique, les attendaient le sourire aux lèvres. William ne leur rendit pas la même expression, il demeurait impassible, fier, ce qu'on attendait de lui. C'était ces derniers moments de liberté. Une fois qu'il aurait posé son sceau sur le parchemin, il n'y aurait plus de retour en arrière possible. Il inspira discrètement, se demandant comment sa vie aller changer à partir de cet instant.
Le prête commença son discours quand les fiancés et leurs familles furent en place. Rien de surprenant. Un discours sur l'amour, le devoir, et Dieu. Il se retrouvait déjà une plume en main à apposer sa signature sur le document devant lui. Voilà, il venait de signer. Il n'était plus le jeune homme "libre" mais le futur époux d'Ariane Fergusson. Et la pauvre se trouvait dans une situation plus pesante que la sienne, car aux femmes revenait le rôle de porter la descendance de l'union.
Alors qu'ils descendaient les marches de l'escalier de marbre avec une lenteur calculée - adaptée à l'étiquette du jour, un silence solennel s'installa dans le hall d'honneur. Les invités, alors tournés vers la famille Mackinnion qui les attendait au centre de la pièce, les regardèrent avec une certaine curiosité. Les doigts d'Ariane se crispèrent sur le bras de son père: il n'était pas dans son habitude d'être le centre de l'attention. En tant que fille deuxième née des Fergusson, elle avait été éduquée tant aux lettres qu'aux sciences, avait appris les codes de la Cour et excellait dans l'art de la conversation. Cependant, Philips était celui qui, sa vie durant, avait reçu les honneurs et les lumières. Pas elle. Toutefois, elle n'en laissa rien paraître et conserva l'expression fière et assurée qui seyait à l'occasion.
Ils arrivèrent au centre de la pièce face à la famille Mackinnion. Tous exécutèrent une révérence suivant le protocole de la rencontre. William s'approcha d'eux et Ariane lui tendit la main, sur laquelle il déposa un baiser. Il avait revêtu des habits d'une élégance raffinée, aux couleurs de sa famille. Elle remarqua qu'il était grand, plus grand qu'elle ne l'avait pensé. Alors qu'il se redressait, elle effectua à son tour une nouvelle révérence.
"Monsieur.", dit-elle d'une voix qui se voulait assurée, sans tremblement.
Elle posa alors sa main sur l'avant-bras de William. Alors qu'ils traversaient la foule, elle surprit quelques visages connus et amis auxquels elle offrit quelques sourires convenus. Elle surprit également le regard de Myrsela Owen. Même si elles ne s'étaient vues que l'espace de quelques minutes, cette rencontre avait été amicale. Aussi, elle lui sourit également jusqu'à reconnaître le baron qui venait d'approcher la demoiselle Owen. C'était un Fraser, un partisan de la couronne anglicane. Elle se fit la réflexion à elle-même qu'il était sans doute envoyé par les Gregory, ses suzerains, pour être le témoin de ces fiançailles.
Ils arrivèrent ainsi sur le lieu de la courte cérémonie où ils devraient, chacun l'un après l'autre, signer le contrat de mariage qui les engagerait jusqu'à la célébration officielle de celui-ci quelques mois plus tard.
Elle les vit. Etonnant conflit qu'aucun de ces nobliaux coincés ne pouvaient envisager... Myrsela eut un sourire en coin en pensant à quel point cette manière de penser leur déplairait à tous autant qu'ils soient. Quel rôle les femmes comme elles peuvent changer quoi que ce soit? Bref, Myrsela détourna son attention des futurs époux.Un baron approcha sensiblement d'elle, sourire malicieux sur les lèvres. -Magnifique, n'est-ce pas? Myrsela leva un sourcil, sans regarder l'imprudent personnage qui s'était avancé. -Plaît-il? Soupir amusé et discret. -Un amour comme celui-ci ferait pâlir d'envie bien des courtisanes... Là il réussit à obtenir un regard assez noir de la jeune femme, avant qu'elle ne s'incline et s'éloigne
La famille accompagnée de leur domestique s'avança le long d'un grand couloir où les vitres, éclairées par le soleil automnal, faisaient place à un jeu de clair obscur surprenant. Un écho à la situation actuelle. La joie du mariage et la noirceur des attentes. Ils arrivèrent au sommet de l'escalier où chacun marqua une pause le temps que le domestique annonce leur arrivée. Les invités les regardèrent alors. Les Mackinnion dominaient l'assemblée. Le laird et sa femme avaient conscience de l'importance de ce moment. Ils n'attendirent pas plus longtemps avant de descendre les escaliers pour venir se placer au centre de la pièce. Il fallait laisser place à la famille Fergusson, il était également à leur tour de briller devant la foule.
Ils attendirent quelques instant avant que toute la famille Fergusson apparaisse à son tour. Ils étaient habillés de leurs plus beaux vêtements de fête. On voyait au premier coup d'oeil qu'ils faisaient partie de la haute Noblesse. Ils avaient des moyens et cela se sentait.
William se tenait droit, fier, du moins c'est l'impression qu'il donnait. Depuis le temps qu'il était au centre des réunions importantes, il devinait avec exactitude ce qu'on attendait de lui. Son regard croisa celui de sa fiancée. Elle était belle dans sa robe crème. Il devait le reconnaitre. Il n'était pas mal tombé. Ariane avait à peu près son âge, semblait avoir des intérêts communs avec lui, peut-être arriveraient-ils à s'entendre après quelques temps ? Il l'espérait car, la vie serait longue et pénible si ce n'était pas le cas.
Dans son champ périphérique, il aperçut Myrsela Owen qui avait décidé de rester pour le banquet. La jeune femme semblait être légèrement mal à l'aise entourée de tant de monde. Il se demanda si elle avait l'habitude d'assister à des réceptions où si elle passait plus de temps à s'occuper de l'entreprise familiale.
Il ne s'interrogea pas trop longtemps car Ariane venait d'arriver au bas de l'escalier. Comme tout bon fiancé, il s'avança dans sa direction pour s'incliner devant elle avec respect et lui saisir délicatement la main pour lui offrir un baiser.
" Mademoiselle ? "
Déclara-t-il d'une voix calme, en l'invitant à nouer son bras autour du sien.
Un domestique toqua à la porte. Après qu'on l'ait invité à entrer, celui-ci s'exécuta; une fois à l'intérieur des appartements, il réalisa une réverence avant de se redresser. D'un ton solennel, il avertit la famille Fergusson qu'ils étaient maintenant attendus parmi les invités du jour. Le Laird Fergusson acquiéça et lui annonça qu'ils ne tarderaient pas à arriver. Tout retard à cette cérémonie serait vue comme un affront, un manque de respect à la puissance des Mackinnion: il était, cependant, hors de question qu'une telle impolitesse arrive ce jour-là. Cette alliance était trop importante, les enjeux étaient trop grands. Tous en étaient conscients.
Mary Fergusson, la mère d'Ariane, s'éloigna de quelques pas et se dirigea vers une petite boîte d'ornament posée sur la causeuse. Elle en sortir une broche dorée qui représentait le lynx, symbôle de la puissance de leur famille. Elle l'accrocha sur l'omoplate de sa fille, dans la dentelle de sa robe.
[Mary Fergusson] - Voilà. Tu es prête maintenant.
Ariane acquiéça. Son regard croisa celui de Philips, son frère aîné. De tous ses frères, c'était celui dont elle était le plus proche, tant en âge qu'en esprit. Après avoir longuement voyagé ensemble, ils se connaissaient bien. Aussi, l'héritier Fergusson comprit immédiatement ce qu'elle pouvait ressentir à cet instant. La jeune fiancée était nerveuse: le poids de la puissante dynastie des Fergusson pesait sur ses épaules. Un sourire d'encouragement étira les lèvres de Philips, comme pour l'aider dans cette épreuve. Ariane respira profondément avant que son père ne prenne la parole.
[Père] - Allons-y maintenant. Nous ne pouvons pas faire attendre nos hôtes.
Alors ils sortirent de leurs appartements. Le Laird Fergusson donna son bras à sa fille aînée tandis que la Dame Fergusson était au bras de Philips. Enfin, Henry, Alexander et Jamie terminaient la marche, tous dans leurs habits d'apparât. Ils se dirigèrent vers le hall d'honneur. D'un point de vue extérieur, les Fergusson formaient un véritable clan. Ils étaient tous reconnaissables par leur chevelure auburn et leurs yeux verts, à l'exception de la mère, du fait de ses origines autrichiennes. Après quelques instants de marche, ils arrivèrent en haut de l'escalier donnant sur le hall d'honneur. La famille Fergusson fit alors une pause de quelques instants, le temps que tous les regards se posent sur elle, avant de commencer une lente et solennelle descente des marches.
Ariane, au bras de son père, chercha dans la foule des visages connus. Bannerets, alliés, de nombreuses personnes lui étaient connues. Elle reconnut également dans la foule quelques partisans de la couronne anglicane, sans doute présents pour témoigner auprès de leurs seigneurs l'officialisation de cette nouvelle alliance. Enfin, son regard se posa sur la famille Mackinnion, qui les attendait au centre de la pièce.