Les fiançailles de William Mackinnion et d'Ariane Fergusson s'étaient terminées la veille et avaient vu se dessiner de nouvelles alliances et de nouvelles inimitiés. L'agitation de la demeure commençait à s'estomper alors que les domestiques rangeaient les différents préparatifs et installations pour l'occasion et que chacun des participants rentrait dans ses terres ou dans ses appartements pour se reposer. Ariane profita de ces quelques heures de répis pour s'éclipser de sa chambre. Ses parents étaient rentrés avec ses frères dans les pièces qui leur avait été assignées et réfléchissaient à la suite des évènements, l'alliance avec les Mackinnion étant maintenant officielle et sue de tous: elle avait donc quelques heures de liberté.
Elle emprunta un tissu soyeux duquel elle recouvrit ses épaules avant de s'aventurer dans les couloirs du château. Il ne lui fallut guère de temps avant d'arriver au lieu de ses pensées: la bibliothèque. Ce lieu l'intriguait depuis son arrivée: la passion manifeste de son fiancé pour les sciences laissait deviner des ouvrages riches en découvertes. Une fois arrivée, elle poussa la porte du lieu et y entra. C'était une pièce lumineuse, grâce aux fenêtres donnant sur les jardins. Un feu réchauffait la pièce dans l'âtre. Les étagères étaient remplies de livres rangés soigneusement. Ariane s'approcha de l'une d'elle et lut les titres des ouvrages sur les reliures.
Quelques minutes passèrent où la jeune femme découvrit l'étendue de la bibliothèque de la famille des Mackinnion. Celle-ci était fournie et diversifiée: poésie, romans, correspondances, traités de science et de politique, elle couvrait de nombreux centres d'intérêts. Ariane découvrit un traité de biologie d'un auteur autrichien, dans la langue natale de sa mère. Aussi le prit-elle et vint-elle s'installer dans l'un des fauteuils placés face à l'âtre afin de se réchauffer parmi les plaids et de découvrir cet ouvrage.
Il voyait la passion en elle, ce désir brûlant de découverte. Un désir qu'il possédait lui-même. Il était impossible à William de refuser la requête de sa fiancée. Bien sûr qu'elle pourrait assister les sages-femmes du village le plus proche de la demeure des Mackinnion. Cependant, il lui faudrait l'approbation de ses parents avant qu'il ne puisse le lui confirmer. Inutile de donner de faux espoirs à la demoiselle.
" Je vous souhaite de passer une bonne matinée auprès des vôtres, nous nous reverrons plus tard."
Dit-il tranquillement l'observant s'éloigner et quitter la bibliothèque.
Le lieu fut de nouveau plongé dans le silence. William resta un instant immobile à fixer l'endroit où la jeune femme avait disparu. Le moment passa, il se ressaisit et reprit sa lecture. Il avait l'impression d'être un peu ailleurs, mais la concentration reviendrait rapidement.
Les parents d'Ariane avaient porté une attention toute particulière à l'éducation de leurs enfants, leur unique fille comprise. Aussi, alors que Philips avait étudié les arts et la philosophie, Ariane avait pu étudié la médecine, Henri la théologie et les deux jumeaux bénéficiaient actuellement d'un apprentissage des langues étrangères et d'une solide base en mathématiques. Sans doute était cette éducation poussée qui éloignait Ariane de la perspective de devenir mère. De la même manière que William, elle n'envisageait pas d'avoir un héritier dans la suite logique de leurs fiançailles et de leur mariage. Pour une femme, avoir un enfant était contraignant: cela l'enfermerait dans le rôle de mère, d'épouse, de Lass.
"La science de cet aspect biologique m'intéresse tout particulièrement. Mais j'espère que ces nouvelles connaissances qui apparaissent ces dernières années pourront être appliquées pour aider les femmes de manière plus générale. Sans doute serait-il possible d'aider les sages-femmes du village?", demanda-t-elle doucement.
Elle se leva ensuite de son fauteuil et alla reposer le livre qu'elle tenait entre ses doigts dans la bibliothèque.
"Il est temps pour moi de retourner auprès de ma famille, tous doivent être éveillés à présent. Nous nous reverrons au déjeuner."
Il n'avait pas pensé que la jeune femme pourrait s'interroger sur ses intentions en lisant le texte. William était intéressé par un aspect purement scientifique, bien que ce ne fut pas surprenant que l'on puisse croire qu'il projetait un empoisonnement. Entre familles rivales et même au sein d'une famille les coups les plus bas étaient permis du moment qu'on ne se faisait pas prendre. Il afficha d'abord une mine gênée avant de se rendre compte qu'elle ne faisait que plaisanter.
"Je ne pense pas que vous ayez à vous inquiéter non. J'étudie le cas pour mieux comprendre le traitement, pas pour empoisonner mes ennemis. "
Dit-il avec un sourire assez doux.
" Effectivement, c'est bien vers cela que se tourne le remède, mais je n'ai pas encore pu bien étudier cette partie. J'espère en découvrir plus prochainement. "
Une passionnée de médecine. Le jeune homme devait admettre qu'il était impressionné. On orientait souvent les jeunes femmes vers les activités plus artistiques, ou la littérature, rare étaient celles qu'on encourageait à se passionner pour la science. Les parents d'Ariane lui avait permis de découvrir la médecine qui lui plaisait. En revanche le sujet abordé suscita une vague de panique chez le jeune homme. Si elle était passionnée par la faculté de donner vie, voudrait-elle rapidement un héritier ? Bien que c'était leur destin de mettre au monde la future génération de la famille, il ne se sentait pas encore prêt à devenir père.
" C'est certain que la Nature a doté la femme d'un don extraordinaire. Donner la vie est une faculté fascinante comme vous dites. Vous aimeriez être sage femme ou votre intérêt se porte-t-il d'avantage sur la science qui entoure ce mystère ? "
La veille, leur rencontre n'avait pas été des plus détendues, loin s'en faut. La présence de leurs parents respectifs les avait tous deux obligés à porter le masque convenu de l'étiquette, de la bienséance et de la courtoisie. Aussi, Ariane accueillait avec enthousiasme la perspective d'un diner avec ses frères et son fiancé. Si celui-ci serait nécessairement protocolaire - Philips serait intransigeant là-dessus, il représenterait toutefois une parenthèse appréciable, plus agréable.
"Nous organiserons cela dans les jours prochains alors", répondit-elle.
Ariane souleva un sourcil curieux lorsque William annonça le livre qu'il était en train de lire. Elle en avait une brève connaissance. Seules quelques rumeurs qu'elle avait perçue en disait beaucoup de bien.
"Dois-je m'inquiéter d'un quelconque empoisonnement?" dit-elle un avec un sourire aux lèvres.
"Y est-il question de nouveaux remèdes? Avec des plantes des Indes, peut-être?"
Lorsqu'il évoqua la Médecine, elle sourit de nouveau.
"La médecine est un sujet qui me plait beaucoup en effet. A L'Université de Padoue, j'ai pu rencontrer Realdo Comondo qui a été mon professeur pendant quelques mois. Ce qui m'intéresse particulièrement est le corps féminin ainsi que la possibilité de donner la vie. Quand bien même il soit moins considéré par les scientifiques, il n'en est pas moins fascinant. "
La remarque au sujet de la bibliothèque de sa famille ne put que le faire sourire. Le jeune homme avait en partie contribué à l'agrandissement de la collection, et il était tout simplement heureux que sa fiancée partage sa fascination pour la découverte et la lecture. C'était un point commun qui leur permettrait d'échanger pendant de longues conversations qui iraient plus loin que des simples mondanités.
Le garçon approuva d'un hochement de tête. Il serait heureux de rencontrer les frères d'Ariane pour un repas. Il avait déjà croisé l'aîné par le passé, en revanche dû à leur différence d'âge, il ne connaissait pas vraiment les trois jeunes Fergusson.
" Bien sûr. J'aimerai beaucoup faire la connaissance de vos frères en votre compagnie. Et puis, ce sera agréable pour vous de passer du temps en leur présence avant qu'ils ne doivent retourner à la tour TownEst. Je pense que ce sera l'occasion de passer un moment un peu plus détendu qu'en présence de toute nos familles. "
Par là il référait au moment gênant qu'ils avaient vécu leur de leur première rencontre en temps que fiancés, sous le regard pesant de leurs parents. William était heureux qu'il n'ait jamais à revivre cet instant désagréable. Cela n'avait rien à voir avec Ariane bien évidemment. La jeune femme était prisonnière comme lui du dessein de sa famille.
Ils en revinrent aux livres, et c'était sans doute mieux ainsi. Penser à leur situation n'était pas des plus joyeux, alors que de se noyer dans les connaissances du monde semblait une fuite propice.
" Je focalise mon attention sur son ouvrage : De la maladie des montagnes , qui aborde des notions sur l'empoisonnement. Cela peut sembler assez glauque, mais la toxicologie et les remèdes me fascinent. Je suis toujours curieux de découvrir les nouveaux traitements. Vous aimez la Médecine il me semble ? "
Demanda-t-il afin d'en connaitre un peu plus sur ses aspirations.
Ariane hocha la tête, avec un sourire amusé. L'engouement du Laird Mackinnion pour la culture et notamment la littérature la surprenait quelque peu, S'il était courant que les Lairds et leur famille soit cultivés, une passion pour de telles oeuvres de l'esprit était rare, ainsi qu'une telle bibliothèque. Il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il serait intéressant de discuter avec lui. Cette inclinaison semblait être partagée William quand sa présence dans la bibliothèque à cette heure si matinale en témoignait.
"Votre père a raison d'être intransigeant à ce sujet: votre bibliothèque est un véritable trésor, à n'en point douter."
La relation qu'avait eu William avec sa soeur biaisait probablement sa vision des relations fraternelles des Fergussons. Les plus jeunes avaient été élevés dans l'absence de sa soeur: Ariane avait grandi dans un couvent de filles de bonne familles de ses sept ans à ses quatorze ans avant de repartir à l'âge de dix-huit ans pour un Grand Tour en compagnie de Philips. Ainsi, c'est bien le frère aîné qui souffrait le plus de son départ de sa famille. Quant à Henri, il était un loup solitaire. Ce dernier se destinait à devenir évèque de Glasgow et avait déjà commencé sa formation. Quand bien même, il était proche de sa soeur aînée, cela faisait bien longtemps que tous deux s'étaient accoutumés à leur séparation future, du fait de leurs choix de vie respectif.
"Nous pourrions, à ce propos, organiser un dîner avec mes frères, en comité restreint, avant qu'ils ne regagnent Glasgow, d'ici peu. Vous ne manqueriez pas de les apprécier, j'en suis certaine, malgré leur turbulence."
Elle le regarda s'asseoir à ses côtés avant que son regard ne se fixe sur le livre finement décoré qu'il tenait entre ses doigts.
"J'admire sincèrement le fait que votre père vous ait ainsi donné l'occasion de satisfaire votre curiosité."
"Paracelse? J'ai lu quelques uns de ses travaux que les maladies mentales naturelles. A quelles théories faîtes-vous référence?"
Effectivement, il valait mieux que les deux jeunes garçons s'en tiennent loin de la bibliothèque s'ils n'avaient personne pour les superviser. Bien que William se doute que son père ne les punirait pas avec autant de ferveur qu'il ne l'avait fait pour son fils, il leur ferait une belle leçon de moral assez laborieuse pour les éduquer sur les règles de la Maison. Mieux valait éviter de passer par là.
" Ce serait dommage autant pour les ouvrages, que pour vos frères. Mon père n'est pas méchant, mais sa bibliothèque est l'un de ses trésors. Il serait capable de leur faire une leçon pendant des heures pour leur expliquer la valeur de ces livres et le respect qui leur est dû. "
Déclara le jeune homme en l'observant.
Il se sentait coupable lorsqu'elle mentionnait le nom de ses frères. Il ne pouvait s'empêchait de repenser à ce qu'il avait ressenti au départ de sa soeur. Beaucoup de tristesse et même de la colère envers l'homme qui l'emmenait au loin, et ses parents qui laissaient faire. Est-ce que les jumeaux ressentaient cette même colère à son égard ? Était-il l'horrible personnage qui leur volait leur soeur ? William n'évoqua pas le sujet. Ce devait être assez dur pour Ariane de tout laisser derrière elle pour le rejoindre ici, au Castle Mackinnion.
D'un pas lent, il s'avança en direction du fauteuil où sa fiancée l'invitait à s'asseoir. Il prit place délicatement, n'osant pas réellement imposer sa présence à la jeune femme. Ils s'apprivoiseraient avec le temps, et un jour ils auraient sûrement l'habitude d'être en présence l'un de l'autre. Mais pour l'instant c'était un apprentissage à ne pas bousculer. Pas à pas, ils apprendraient à se connaitre.
" Mon grand-père adorait lire, il en était de même pour sa femme. Ils ont commencé cette collection et mon père l'a continué. Ma soeur et moi avons beaucoup d'intérêt pour la science, alors il a investi beaucoup dans notre éducation sur le domaine. Je suis content de savoir que vous trouvez des ouvrages qui suscitent votre intérêt. Pour ma par, j'étudie une oeuvre de Paracelse, un alchimiste controversé, qui de façon surprenante a le soutien de l'Église sur certain de ces ouvrages. "
Répondit le jeune homme en posant le livre sur ses genoux.
La couverture en cuir était magnifique. On voyait qu'elle avait pris du temps à fabriquer. De nombreuses incrustations de dorures et de sigles décoraient le cuir lisse.
Ariane hocha la tête. Elle était également restée dans la salle du banquet jusqu'à ce que tous les invités se soient éclipsés, peu après trois heures du matin. Une fois parvenue dans ses appartements, la jeune femme n'avait eu aucun mal à trouver le sommeil, épuisée par une journée chargée d'émotions, de pression, de protocole. Toutefois, sa - courte - nuit avait été ponctuée par des cauchemards, dont l'engagement qu'ils avaient signé était l'origine. Classique, lorsqu'il est question de fiançailles avec un inconnu. Aussi, elle avait décidé de se lever, de s'habiller rapidement et de se diriger vers la biblothèque, où elle savait qu'elle trouverait de quoi se changer l'esprit.
Un sourire amusé étira ses lèvres lorsque William lui annonça qu'elle avait le droit de se rendre en ce lieu.
"Et bien, je suis heureuse de savoir que je n'ai pas besoin d'une gouvernante pour venir ici", s'amusa-t-elle.
Elle observa une courte pause.
"Je préviendrai Jamie et Alexander, cependant. Ce sont deux garçons adorables mais turbulents, il est préférable de les prévenir avant qu'il n'arrive quelques malheurs à ces ouvrages."
Son expression, à évoquer ses frères benjamins, s'était adoucie. Bien qu'ils aient neufs années d'écart et avaient longtemps été séparés au gré de l'éducation de la jeune femme, Ariane avait toujours eu une tendresse fraternelle pour les jumeaux.
D'un geste de la main, elle invita William à venir s'asseoir sur le fauteuil à côté du sien. Elle referma le livre qu'elle tenait entre ses doigts.
"Oui, j'ai été surprise de voir l'étendue de vos ouvrages, notamment en termes scientifiques. C'est un traité de biologie autrichien, datant de 1512. J'étais plongée dans sa lecture lorsque vous êtes arrivé. Et vous? Quel est l'ouvrage au centre de votre attention?"
Elle non plus ne l'avait pas remarqué. Visiblement les deux jeunes gens étaient bien trop préoccupés par les ouvrages de la bibliothèque que par le monde autour. Le silence que William avait installé ne dura guère longtemps. Ils entamaient à présent un début de conversation. La première qui n'était pas cérémonieuse. L'occasion de découvrir d'avantage sa future moitié.
Le jeune homme était toujours plantée au milieu de la pièce, à quelques pas du fauteuil confortable sur lequel sa fiancée était installée sous un plaid soyeux. Il retourna un faible sourire à la jeune femme.
" Je vais bien également même si la nuit fut assez courte. "
Répondit-il d'une voix calme.
Il fut surpris qu'elle lui demande si elle avait enfreint un règlement en venant ici. Sa demeure était devenue celle de la demoiselle depuis qu'ils avaient signé le contrat, elle avait donc le droit de se promener dans le domaine à sa guise. Cependant, Ariane ne connaissait encore rien des coutumes de la famille Mackinnion, il était compréhensible qu'elle se pose la question.
" Effectivement, c'est une pièce que je chérie au sein du château. Et rassurez vous, vous n'enfreignez aucune règle. Que je sache, vous avez plus de treize ans, auquel cas vous n'avez pas besoin d'être accompagné par un adulte pour venir profiter des ouvrages de la bibliothèque. "
Expliqua-t-il avec un semblant de malice dans les yeux.
En effet, la règle de la bibliothèque était très simple : pas d'enfants non accompagnés. Les livres valent bien trop chers pour risquer qu'un pauvre petit ne les abîme. Son père était formel à ce sujet. Et William se souvenait encore de la correction sévère qu'il avait reçu, lorsqu'à dix ans, il avait cru bon de se servir des lieux comme d'un abri lors d'une partie de cache-cache. Le laird Mackinnion l'avait surpris, et William avait compris qu'il respecterait l'autorité de son père coûte que coûte ce jour là.
Il concentra de nouveau son attention sur le moment présent. Les boucles rousses d'Ariane tombaient dans son dos, soulignant un visage fin et féminin. Elle était jolie. Il ne pouvait le nier.
" Avez-vous trouver un ouvrage à votre goût ? "
Demanda-t-il curieux d'en apprendre un peu plus sur ses lectures.
Les rayons du soleil levant traversaient les grandes fenêtres et venaient doucement réchauffer la pièce. Installée confortablement dans l'un des grands fauteuil auprès de l'âtre, Ariane caressa quelques instants la couverture travaillée du livre qu'elle tenait entre ses doigts avant de l'ouvrir. Les pages étaient dans un papier très fin, jauni par le temps. En regardant la date de parution, Ariane s'aperçut que l'ouvrage datait de 1512, voilà près de quarante ans. Curieuse de savoir quelles avancées cette époque avait vu, elle tourna la page.
Au fil de ses lectures, Ariane avait développé un véritable esprit scientifique. Esprit qu'elle serait ravie de partager avec William, si celui-ci le souhaitait. Ses connaissances lui avaient permis d'assister le mestre de TownEst, notamment lorsque celui-ci allait aider des femmes du village voisin lors d'accouchements difficiles. Elle-même avait passé de nombreuses journées auprès des soeurs de l'hospice de Glasgow à s'occuper des femmes en difficulté. Si elle avait été un homme, sans doute qu'elle se serait consacrée à une vie scientifique. Mais sa condition féminine et son statut - fille cadette du Laird Fergusson - avait restreint ses possibilités. Toutefois, elle n'excluait pas de trouver de nouveau un lieu où ses compétences seraient utiles: elle en parlerait à William en temps voulu - ou le ferait dans son dos s'il s'y opposait.
Elle ne l'entendit pas tout d'abord entrer dans la pièce, emportée par l'ouvrage. Ce fut quand celui-ci s'approcha des fauteuils que son mouvement attira son attention. Elle leva alors les yeux vers lui. Ce dernier sembla hésiter quelques instants avant de prendre la parole. Ariane ne s'en formalisa pas: ils n'avaient encore pas passé de temps seuls à seuls et leur rapport était nécessairement malaisée par leur lien obligé de fiançailles. Elle lui adressa un léger sourire.
"Bonjour William. Je vais bien, merci. Et vous?"
Elle observa une pause, avant de reprendre.
"Cette bibliothèque est un bel endroit. J'espère ne pas avoir enfreint de règles de votre demeure en venant ici."
Le banquet avait pris fin tard dans la nuit. William s'était tout de même réveillé tôt par habitude. Le jeune homme avait marqué un passage rapide en cuisine pour grignoter un morceau avant de sortir aux écuries vérifier l'état des chevaux. Toutes les bêtes avaient l'air en pleine forme. Urane était là, un petit peu anxieux de se retrouver dans un nouvel environnement. Le jeune homme s'approcha de sa stalle et laissa l'hongre renifler sa main. Il attendit une quinzaine de secondes avant d'appliquer sa paume contre ses naseaux pour le caresser doucement. Bientôt il s'habituerait à l'écurie, et il se mettrait à ses aises.
Son esprit ne put s'empêcher de faire le parallèle avec Ariane, sa fiancée. Cette dernière venait d'arriver dans une demeure qui lui était inconnue mais qui était à présent la sienne. La jeune femme devait se sentir quelque peu perdue. William ferait attention à l'intégrer à sa famille et la rassurer lors des prochains jours. Elle méritait son respect. Il en attendrait de même de sa part lorsqu'ils rendraient visite à sa famille.
Urane le poussa d'un coup de tête léger, ce qui tira le jeune homme de ses pensées. Il observa le sublime animal avant de lui flatter l'encolure et de s'éloigner en direction des chenils. Le fils hériter du Laird ne s'y attarda pas. Aujourd'hui il voulait profiter d'un moment de calme pour se rendre à la bibliothèque et lire un livre de science. Dernièrement il s'intéressait aux réactions chimiques. Et il avait beaucoup de questions sur le sujet. Son père avait récemment fait l'acquisition d'un ouvrage tout récent venant de Germanie.
William traversa la demeure pour entrer dans la bibliothèque. Il était tellement focalisé sur le livre qu'il cherchait, qu'il ne prêta pas attention à la jeune femme installée sur un fauteuil devant l'âtre. Il marcha vers l'étagère des nouvelles acquisitions. Le livre était là, dans sa couverture de cuir. Il le saisit d'une poigne ferme et se dirigea vers les fauteuils. Il marqua aussitôt un arrêt en découvrant Ariane.
Un silence s'installa tandis qu'il réfléchissait à comment l'aborder. Il ne pensait pas être timide, mais peut-être qu'au fond, il s'était toujours retrouvé dans un rôle. Rapidement, le garçon se reprit.
" Bonjour Ariane. Comment allez-vous ce matin ? "