Les doigts arrangèrent avec une délicatesse exquise les volutes végétales qui débordaient de l'étagère. La main s'enquit de la rare plante qui peinait à survivre à tous ces changements si détestables et nuisibles à sa beauté sulfureuse. La peau pâle tranchait avec la vitalité des couleurs, et la stature sombre enracinée au milieu de cette petite verrière en verre et fer forgé arrêtait net le flot de lumière automnale. L'homme huma longuement les parfums que dégageaient ses toxiques rejetons. Toujours d'ébène vêtu, l'étrange personnage était revenu à sa solitude si recherchée après la réception d'il y a un mois maintenant. Personne ne savait trop ce qu'il faisait, mais personne ne voulait le savoir. Le peu de domestiques servant dans le vaste Manoir craignait tous le Maître, à part peut-être cette vieille cuisinière à la langue aussi tenace que le regard du Duc était noir. D'un pas à la fois ample et vif, l'aristocrate quitta le soin de ces plantes que lui seul pouvait entretenir. Il traversa sa demeure, descendant au sous-sol qu'il avait fait réaménagé récemment. Dans une pièce qu'on ne pouvait deviner qu'en connaissant chaque pierre de l'unique accès, bouillonnait paisiblement un chaudron. Le Duc vint s'occuper de celui-ci, une ride de réflexion plissant le grand front. On aurait pu croire à un cabinet de curiosité, mais un connaisseur aurait su qu'il ne s'agissait plus de curiosités à ce stade. Ceci fait, le Lord remonta à la surface. Au grand dam d'Anna, la fameuse cuisinière, il ne daigna pas prendre un déjeuner, même rapide. Trop de chose à faire. Il avait ordonné qu'on lui selle son cheval tout à l'heure, et il devait encore approfondir son étude d'un fameux botaniste du XVème et une théorie intéressante sur les propriétés de la pièce qui lui manquait... Soudain un carillon l'avertit qu'un invité avait franchi le seuil de sa demeure. L'homme s'arrêta net et revint sur ses pas.
top of page
bottom of page
Elle hocha la tête. Malheureusement. Hélas on s'y faisait. Après tout lorsqu'on avait déjà ôté la vie, on savait bien que son tour viendrait un jour ou l'autre potentiellement dans l'agonie la plus terrible. Si elle se réveillerait demain ? Lisa n'en savait rien. Elle ne s'habituait jamais au confort car qui sait si elle ne se lèverait pas prisonnière demain ?
" Vous pouvez frémir d'avance. "
Se contenta-t-elle de répondre avec un sourire, les yeux levés en direction de l'imposante stature qui faisait planer une ombre sur la table.
Elle se leva à son tour et s'inclina respectueusement devant le Duc.
" Je n'y manquerai pas. Merci de m'avoir accordé votre temps milord. "
Au moment même un domestique toqua avant d'entre, venant annoncer que le repas de Lisa était servi. Elle s'excusa auprès de son hôte et disparu à la suite du domestique.