Il rabattit d'un geste sec et précis sa manche sur les cicatrices de son bras. Le miroir lui renvoya une image impeccable de ce qu'il avait toujours incarné: Lord Snape, Duc de Prince.
L'homme impénétrable, le britannique parfait, la froideur et le talent aristocratique. Les apparences étaient salutaires.
Dans sa patrie, en Angleterre, l'on savait il y a encore peu qu'il était homme dangereux. Certains pensaient qu'il était capable de mettre la gloire en bouteille, distiller la grandeur, et même d'enfermer la mort dans un flacon . Était-ce si éloigné de la réalité ? En Ecosse ils ne pouvaient pas le savoir à cette heure.
Ce qui l'avait conduit sur cette île sauvage, cousine de sa nation, nul ne le savait vraiment. Seules des rumeurs circulaient. Mais on se méfiait toujours de lui.
Beaucoup avaient su que souvent qui lui déplaisaient disparaissaient dans la foulée. Être proche de la Reine était un facteur de pouvoir immense autant que d'angoisse.
Il avait fait les choses dans la grandeur de la stricte exigence.
Il devait montrer sa place, et souscrire à l'autorité de ce pays tout en soulignant discrètement son désir d'indépendance. Il ne réclamait que ce bout de terre où il prendrait un repos...mérité.
Sa demeure était fidèle à l'image qu'il renvoyait. Austère, imposante, d'une antique noblesse, altière dans ses pierres fières, parée avec bon goût et une certaine magnificence de rigueur quand on reçoit le monde brillant d'un pays.
Ses rares domestiques avaient eu l'autorisation d'embaucher une main d'oeuvre supplémentaire pour l'occasion. Les livres avaient coulé à flot pour financer la débauche de victuaille nécessaire.
La réception allait commencer.
Son regard ébène plana sur la salle. Elle était parfaite. Il alla lui même vérifier que rien ne traînait dans les autres salles du manoir, ni personne, ferma délicatement le piano, et se rendit à l'entrée pour accueillir les premiers arrivants.
Une respiration à peine plus prononcée que les autres, c'était parti.
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Un passage obligé -réception au Manoir Prince (ouverte à tous)
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La réception du Duc était splendide et rassemblait parmi les esprits les plus éminents des terres écossaises. Du moins aux yeux d'Ariane. Via ses différentes correspondances des dernières semaines, la jeune femme avait appris la venue d'Idelette de Bure, épouse émérite de Jean Calvin. Ce n'était pourtant pas pour ce dernier qualificatif qu'Ariane s'intéressait à elle. Non, Idelette Calvin était une médecin réputée dans le couvent des Angelins de Paris, malgré qu'elle officiait alors sous un pseudonyme masculin - dès lors que les absences de son public mari l'y autorisaient.
Ariane l'avait rencontrée lors d'un diner à Paris, son frère ainé. Lorsqu'elle aperçut la silhouette familière près des balcons fleuris de la demeure du Duc, elle s'excusa auprès de William - qui fut tôt approché par l'hôte de ces lieux - et vint à la rencontre d'Idelette.
Les deux femmes discutèrent ainsi de nombreuses minutes - se remémorant leurs différentes entrevues à la cour française, sans que leurs propos ne dévoilent les idées défendues dans leur correspondance. En effet, femmes de savoir médicinal, ce soir n'était certainement pas le lieu idéal pour confronter leurs idées. Ariane admirait la femme d'âge mur et réciproquement - celle-ci voyait en la jeune Fergusson ce qu'elle avait été trente ans plus tôt. Aussi leur échange était-il bienveillant. D'autres jeunes femmes vinrent les rejoindre, curieuses de cet échange.
Plus tard dans la soirée, William vint la retrouver. Ariane lui adressa un sourire sincère. Au fil des derniers jours, il était devenu un visage familier. Alors qu'il lui proposait de prendre congé, la jeune Fergusson posa sa main sur son avant-bras, et lui proposa une promenade dans le parc avant de trouver les appartements gracieusement offerts par le Duc.
Le jeune homme hocha la tête avec gratitude. Il irait en informer sa fiancée dès que la conversation toucherait à sa fin. Ariane n'en voudrait certainement pas au Duc d'avoir retenu William auprès de lui. Elle était indépendante, il le sentait. Si elle avait eu son mot à dire, elle ne serait sans doute pas fiancée avec lui.
Il se leva à son tour et s'inclina poliment face à son hôte.
" Je vous remercie monsieur le Duc. Ce fut un plaisir de faire votre connaissance. "
Dit-il en le regardant dans les yeux avec la noblesse qui pesait sur lui.
Une prestance similaire à celle du Duc car ils jouaient tout deux un rôle ce soir. Will le regarda s'éloigner avant de se détourner et de chercher Ariane dans la foule. Il l'aperçut en compagnie de quelques autres femmes de son âge. Peut-être des amies ? Il hésita une seconde avant de se diriger vers elle pour lui annoncer qu'il allait probablement ne pas tarder à prendre congé.
Bien sûr que le britannique avait le sens des convenances. Un Duc ne se faisait pas simplement par des jeux de pouvoir et d’héritages. Il y avait là tout un art subtil dont les vétérans pouvaient se vanter. Il eut un sourire courtois pour son hôte.
« Parfait, je vous fait préparer de suite une chambrée. Vous n’aurez qu’à demander à un des serviteurs. » L’homme se releva, marquant de fait la fin de l’entretien. « Je vous délivre, en espérant que votre charmante fiancée ne me tienne pas rigueur de vous avoir retenu aussi longtemps. Quant à moi, il faut que je retourne à mon devoir. » Il cligna des yeux en signe de respect à son cadet, fit un signe pour que la table soit desservie,tourna les talons en faisant voler avec élégance son manteau noir. En deux enjambées il demandait avec froideur si tout se passait bien. Maintenant la soirée allait connaître une fin paisible s’il se débrouillait bien, ce qu’il ne manquait jamais de faire.
William lui adressa un sourire courtois. Il avait bien conscience que c'était une perte de temps pour le Duc que de devoir attendre qu'un messager porte son offre au Laird, malheureusement le jeune homme n'était en mesure de prendre les décisions pour son père. Sur certains projets il aurait répondu sans aucun problème mais là, c'était plus délicat.
Il imita le Duc en finissant son verre de vin avant de chercher sa fiancée des yeux. Elle discutait avec des connaissances, un sourire aux lèvres. Il était soulagé qu'elle ne s'ennuie pas à mourir. Ariane était une jeune femme étonnante, et il s'en voulait de la priver de liberté de la sorte. Tout ce qu'il pouvait lui offrir était un peu d'espace dans sa prison. L'illusion d'un contrôle sur sa vie.
William s'essuya le rebord des lèvres avec la serviette en soie posé sur la table après avoir dégusté l'un des plats offert par le Lord.
" La réception est très agréable. Vous savez réunir la foule Lord Snape, il n'y a pas de doute sur la question. J'en serai reconnaissant. Un peu de repos avant de reprendre la route ne nous fera pas de mal. Je vous remercie. "
Il appuya ses mots d'un mouvement de tête poli.
Le Duc resta un instant à sonder le jeune homme en face de lui. Ses prunelles d’onyx restaient plantés dans les yeux de William, créant sans doute la dérangeante sensation d’une intrusion dans l’esprit. Mais ceci n’était qu’un effet psychologique, l’un des favoris du Lord. Sa lèvre inférieure se rehaussa très subtilement, rictus qui disparut dans l’instant. « En effet, je ne doute pas que vous serez le meilleur ambassadeur possible de ma proposition. » Il reprit une gorgée de ce vin, décidément convenable pour l’occasion. Intérieurement le britannique regrettait que le Laird n’était pas pu se déplacer. Le chef de la famille Mackinnion connaissait au moins de loin les compétences sous-entendues. Le fils était trop vert encore dans le métier pour savoir que c’était une chance inespérée de recruter un homme comme lui. La question était de savoir qui était dominant. A priori, c’était le terrain de jeu politique des Mackinnions. Mais dans les faits, détenir l’autorité ne suffisait pas toujours à enchaîner des hommes ayant eu une influence étendue et redoutée. On ne savait jamais sur quel pied danser avec ce genre de créatures, qui une fois seules paraissent acculées face à leurs ennemis, mais qui continuent à inspirer une crainte presque irréelle. « Ce n’est pas un sentiment d’obligation qui me pousse en ce sens. Mais je m’égare. La réception vous convient-elle ? Je peux vous proposer une chambre si vous ne désirez pas rentrer dès ce soir. »
Il restait de marbre face à son interlocuteur ne laissant pas le moindre signe percer sur son visage, ni même dans ses gestes. Will avait appris à mentir, il en était obligé de puis son plus jeune âge tel était le résultat de vivre dans la Noblesse. Mais plus encore, lorsqu'on possédait une double identité, il fallait savoir changer de masque en fonction des situations. Ce soir il était William Mackinnion, un respectable fils de laird, et non un brigand.
" C'est évident. Personne n'est capable de tenir sans faire d'erreur sur la durée. La Garde sera bien vite sur leurs traces, et ils croupiront dans les donjons d'Édimbourg comme ils le méritent. "
Sa voix était parfaitement contrôlée, un zeste d'animosité envers les voyous qui causaient des soucis, quoi de plus normal pour l'un des dirigeants de ces terres. Après tout c'était à sa famille de faire régner la paix ici.
Le jeune homme imita son hôte en levant son verre de vin, un cru assez prestigieux qui plus est. Lord Snape faisait en sorte de traiter son convive avec attention. Il bu une gorgée avant de reposer son verre sur la table, tendant l'oreille pour découvrir la suite. On offrait rarement un cadeau sans attentes.
La proposition de l'ancien ambassadeur le surpris. Il devait admettre qu'il n'aurait pas cru que ce dernier souhaite offrir de nouveau ses services alors qu'il était si on peut dire libre de son travail à présent. Il y avait peut-être d'autres raisons à son offre. William savait que son père ne lui pardonnerait pas un pas de travers. S'il commettait une erreur, il en entendrait parler toute sa vie.
" Je ne peux me permettre de prendre la parole au nom de mon père, mais sachez que je lui transmettrai votre message et nous vous ferons porter une réponse au plus vite. Je suis certain qu'il sera intéressé par cette offre. Sachez toutefois que vous êtes le bienvenu sur ces terres et que ma famille n'attend pas de service de votre part. Ne vous en sentez aucunement obligé. "
Ni un refus, ni un accord passé, de quoi permettre un temps de latence pour en discuter avec le Laird Mackinnion sans pour autant laisser le Duc dans un flou total.
Le Duc s’installa en prenant son temps, avec des gestes précis, il était techniquement sur son terrain mais intellectuellement il fallait prendre avec des pincettes l’esprit du fils des maîtres de ce territoire. Son regard d’ébène s’arrêta un très bref instant sur le visage du jeune Noble. Certes , il aurait préféré s’adresser au père, qui le connaissait davantage. Mais comme il le savait déjà tous, ce jeune homme était la relève. Il semblait intelligent, semblable à la race des hommes écossais dans leur froide apparence et leurs manières rudes mais franches. C’est pourquoi le Britannique appréciait ce peuple. Peu avait la fourberie du flegme britannique. « Bien sûr, j’ai entendu les vagues rumeurs concernant cette affaire. » Manière plus ou moins élégantes que, même s’il n’était pas à proprement parler proche du pouvoir en ce pays, il continuait à garder la main sur les informations. « Il est certain que ces brigands finiront tôt ou tard par faire une erreur supplémentaire, et vous les tiendrez sans grande difficulté. » Il laissa un serviteur approcher pour servir une large rasade d’un excellent vin français préparé spécialement pour parer leur conversation d’une teinte plus...sympathique et cordiale, pourrait-on dire à première vue. « Mais ce n’est pas encore le sujet. » Il saisit de ses longs doigts habitués à l’exercice tant de la plume que du fer le verre, l’éleva d’un mouvement ample « A la santé de votre famille. » Une gorgée, puis les prunelles se reposèrent sans transition sur William Mackinnion. « Il semble évident que ma situation sur vos terres n’est pas banale, voilà de quoi nous pourrions parler, my Lord. A la vérité, je ne me sens pas d’être seulement un hôte de marque parmi les vôtres. Je ne suis certes plus ambassadeur, mais je peux proposer à votre famille mes services dans les divers domaines que l’on me connaît. » Sa voix avait sonné avec son accent de l’autre côté de la mer, les mots s’enchaînant comme une mélodie cachée. Il savait manier les paroles comme les gens, en règle générale.
La bohémienne s'avança vers la rambarde en granit sur laquelle elle trouva appuie et tourna la tête en direction de la petite. C'était une bien drôle annonce pour une princesse en son genre, les foules, elle devait bien y avoir été confrontée toute sa vie, depuis toute petite. Mais c'était peut-être là toute l'ironie de la situation. Tandis que Lisa rayonnait devant son publique, ceux qui au contraire avaient grandi dedans toute leur vie devaient s'y sentir piéger.
" Des haillons. Une princesse comme vous doit avoir des habits bien plus beaux à porter. Mais j'apprécie le compliment malgré tout, n'est-ce pas ce que la plèbe comme moi peut espérer des Nobles. Quelques compliments jetés à nos pieds, sur lesquels on se précipite dans l'espoir qu'un peu de vous se reflète dans nos vies ? "
Il y avait un certain cynisme dans sa voix, bien qu'il n'était nullement dirigé envers l'enfant. La fillette n'était pas responsable de la situation de Lisa, et à vrai dire elle ne devait pas être bien fière non plus, car fille dans une famille de Noble, elle aurait de la chance si on ne la forçait pas dans un mariage avec un vieillard aigri et dégueulasse. Est-ce que c'était mieux que de crever de faim à la rue ? Lisa savait quelle vie elle préférait.
Le jeune homme chercha sa fiancée du regard à travers la foule mais elle n'était pas disponible. Ariane semblait en grande conversation avec une connaissance, et William n'osa point la déranger, sachant que la discussion avec Lord Snape ne serait pas forcément ce qu'il y avait de plus passionnant. Pas que le Duc ne soit pas un homme d'intérêt, simplement que ce soir, la conversation serait politique et diplomatique plus qu'autre chose. Enfin c'est ce qui semblait être le cas, pas que William puisse faire de jugement trop hâtif.
Il suivit les pas du Duc à travers la salle de réception jusqu'à trouver la table couverte de mets par les serviteurs du Manoir.
" C'est ce qu'il m'a semblé. C'est malheureux que mes parents ne puissent pas être présents. Ils s'excusent sincèrement, malheureusement avec le bateau coulé dans le port d'Édimbourg et des brigands en cavale, ils ont dû se réunir avec la guilde des Marchands de façon urgente. L'histoire commence à faire parler d'elle. "
William s'installa comme indiqué par son hôte. Il leva les yeux pour observer l'homme qui s'installait à la table avec lui. Il avait bien raison. Le jeune homme avait horreur de se retrouver sur le devant de la scène, obligé d'en dévoiler trop à son sujet, c'est bien pour cette raison que tant de Nobles avaient des masques en permanence lorsqu'ils coutoyaient la foule.
" Je vous écoute avec attention, quel sujet aimeriez vous aborder ? "
Il était inutile de perdre du temps en politesses, William avait l'impression que le Duc était le genre de personne qui allait droit au but sans passer par cinquante détours.
Ailee revassait silencieusement, toujours appuyée sur le bord du balcon, et sursauta lorsque la voix de l'artiste s'éleva derrière elle. Elle ne se retourna pas mais soupira légèrement avant de répondre.
- En effet, il faut croire que la foule ne me réussit pas plus aujourd'hui qu'hier. dit-elle d'une voix égale.
Elle se retourna vers Lisa et le regarda rapidement de haut en bas en tripotant l'un des rubans de sa robe.
- Sympathique, votre tenue. lâcha-t-elle.
L'acrobate s'était éclipsée discrètement. Après une telle représentation, sa peau était brûlante, que ce soit à cause du feu qui avait frôlé mainte fois son corps peu protégé, ou tout simplement l'exercice physique qu'avait demandé l'acte. Elle fut arrêtée quelques fois sur son chemin vers les balcons par des invités enthousiasmés par le spectacle. La demoiselle les remercia avec le sourire, trouvant chaque fois une excuse pour s'éloigner. Bientôt elle fut à l'extérieur. Vêtue comme elle était, le choc de température fut brutal mais agréable. Elle ne resterait pas dehors trop longtemps, mais son attention se porta sur une gamine solitaire qui s'était isolée là. L'acrobate hésita un instant avant de s'avancer dans sa direction.
" On cherche à fuir le monde ? "
Demanda-t-elle assez familièrement. Elle n'avait pas été élevée à la Noblesse, alors elle ne se gênait pas trop.
Bien. Severus reprenait le contrôle, comme il le faisait toujours. C'était une condition de survie que de tout prévoir pour lui, et ce jusqu'à sa mort, à n'en pas douter. Il adressa un sourire froid à l'assemblée qui l'entourait, et d'un mouvement de bras élégant désigna une direction au jeune noble: -Je vous en prie, j'ai fait préparer quelques mets sur une table où nous pourrons converser sans être dérangés. Tout en lui indiquant la route pour accéder à cette terre promise, où un serviteur s'empressait déjà d'installer les dits mets, le Duc poursuivit en quelques mots concis. -Si je devais être aussi franc que discourteois je vous répondrais que cette réception n'avait guère d'autres buts que de favoriser notre conversation. Une fois arrivés à la table, belle mais sobrement ornée, Severus indiqua au futur Laird de prendre place. -Les autres personnes ici présentes me connaissent de réputation seulement. Et si cette soirée affirme ma position actuelle, ils n'en sauront guère plus sur moi en repartant.
Je n'avais rien vu de la prestation de ce qui semblait être des acrobates. Les yeux baissées, j'étais perdue dans mes pensées. La foule m'étouffait. Une fois la représentation terminée, je tirais sur la manche de mon frère et me mettais sur la pointe des pieds pour lui demander à l'oreille si je pouvais sortir. Il hésita un instant et finalement il me sourit légèrement et hocha la tête en signe d'approbation. Je le remerciais silencieusement puis m'éloignais vers les balcons, en espérant de tout coeur qu'il n'y ai personne. Et je fus heureuse de constater que c'était le cas. J'allais m'appuyer sur la barrière et soupirais. J'étais définitivement bien mieux ici qu'à l'extérieur.
La réception sembla reprendre comme si de rien n'était à l'exception des quelques acrobates qui trainaient dans la pièce, effectuant des tours pour distraire les invités. Rien d'aussi spectaculaire que ce qu'avait pu être le spectacle de feu présenté par la jeune femme quelques instants plus tôt. Elle avait semblé disparaitre comme elle était venue, sans laisser de traces. Le brouhaha s'éleva de nouveau et lorsque Keith Lowander laissa quelques instants de répit à Lord Snape, ce dernier revint s'adresser au jeune laird Mackinnion.
" Je ne refuserai pas. "
Déclara le jeune homme avec un léger sourire.
" Vous avez évoqué des sujets dont vous souhaiteriez parler, peut-être pourrions nous prendre le temps d'en discuter, à moins que vous ne préfériez attendre que la réception se soit passée ? Je peux comprendre que vous soyez trop occupé avec tant d'invité à rencontrer ce soir. "
Severus détacha un très bref instant son regard de la danseuse pour jaucher la réaction du jeune noble:et finalement les choses auraient pu être plus terribles. Mais son attention fut très vite de retour sur le point chaud de cette salle. Petite flamme éphémère, songea-t-il aussi, dardant ses prunelles acérées sur la danseuse. Diablesses que ces créatures qui illusionnent mais qui ne le dupaient pas.
Lorsque l’ombre fut le Duc se sentit redevenir un prédateur. Ses réflexes revenaient toujours au galop. Devant les acrobaties variées et, il faut l’avouer, particulièrement bien exécutée, le britannique se demanda quel était le parcours de cette femme.
« Si je devais te complimenter je dirais que tu as un talent certains pour offrir de l’exceptionnel, mais était-ce parfaitement approprié pour une soirée comme celle-ci, autre question. »
Répondit avec un sourire fin et sarcastique le Duc. Keith saurait analyser les grandes lignes de cette réponse, il n’en doutait. Il avait répondu dans le politiquement. Il savait que ce n’était pas le faîte de l’idée de son ‘’ami’’. Face à la danse de la jeune femme, mouvements lascifs, l’homme ne cilla pas, se contentant de sonder les yeux de la danseuse. Elle était très douée, certes, c’était appréciable d’une certaine manière. Mais il tolérait très mal qu’on lui fasse ce genre de chose. Une fois la créature disparue, il fit un signe de la main pour que des serviteurs apportent un peu de vin. Voilà qui devrait plus ou moins tempérer l’atmosphère et occuper suffisamment le palais des invités afin que nul ne déblatère trop sur l’animation. Il faudrait qu’il se débrouille pour recroiser la danseuse.
« Bien. Mis à part dénicher de talentueuses personnes, comment va ton domaine ? »
Et il se tourna à nouveau vers William Mackinnion.
« Désirez-vous manger quelque chose ? »
Quand elle était dans son numéro, rien ne l’en distrayait. Elle dansait avec le feu, sa jupe se soulevant parfois plus haut que ce qu’elle aurait dû. Mais jamais la danseuse ne s’en montra gênée. Lisa était ici pour divertir, c’était comme ça qu’elle gagnait sa vie. Montrer un peu de chaire ne pouvait être pire que ce qu’elle avait dû faire par le passé pour survivre. Les coups de fouets qui avaient laissé des cicatrices dans le bas de son dos en étaient la preuve, de mêmes que les restes de griffures sur ses omoplates, là où certains avaient plantés leurs ongles, trop obnubilés par leur propre plaisir pour se soucier un instant de sa douleur. Jamais ils n’auraient pu penser à cela, ou ils auraient eu si honte d’être des monstres qu’ils auraient sûrement fini leurs jours dans un monastère à prier chaque jour que Dieu les pardonnent.
Mais elle non plus n’était pas fière. Pour regagner sa liberté elle avait dû troquer son honneur. Et bien que personne ne le dise en ces mots, la jeune femme n’était autre qu’une assassin. Elle avait ôté la vie plus d’une fois à la demande de son mécène. Et cela ne lui faisait ni chaud ni froid, plus après ce qu’elle avait vécu. Elle acceptait que les monstres avaient déteint sur elle, qu’elle avait rejoint leur monde, ce qui signifiait qu’elle avait les cartes en main pour les anéantir.
Lisa rattrapa ses anneaux et les éteignit d’un geste rapide. La pièce fut brièvement plongée dans une pénombre plus intense avant que les serviteurs chargés de la gestion des lumières ne s’activent pour éclairer la pièce. La jeune femme se pliait dans des figures acrobatiques plus ardues les unes que les autres.
Keith, aux côtés de Severus, souriait à peine dents, visiblement très fier de son présent. Il observait le spectacle en ne manquant pas d’acclamer son artiste, d’applaudir chacune de ses figures délurés.
« Alors qu’en penses-tu ? Je sais divertir les foules, non ? »
Il devinait que malgré l’air exaspéré de son camarade quelque part, il y avait au moins un aspect de ce spectacle qui lui plaisait. Il pinça son nez avec affliction, ce n’était pas nécessairement un bon signe, mais tant pis. Keith ne ferait cesser le spectacle, pas avant le bouquet final !
La jeune femme s’avança vers son meneur qui se trouvait à côté de la dite « cible » de la soirée. Elle dénoua un foulard qui cerclait son bras et commença à danser avec, s’approchant dangereusement du Duc. Ce fut à quelques centimètres qu’elle attrapa la soie dans ses deux mains avant de la passer autour du cou de son hôte, sa danse invitant à toutes les tentations du corps. Mais cet échange ne dura guère longtemps. Elle croisa le regard de l’homme et lui lança un petit clin d’oeil espiègle, joueur. Malgré cet air séducteur au visage, si Lord Snape était attentif, il pourrait également y lire un brin de compassion, car Lisa savait que c’était sûrement bien plus gênant pour lui que pour elle.
Bientôt elle était déjà loin d’eux. Son numéro touchant à sa fin. Elle se figea au centre de la petite scène improvisée et salua son publique qui devenait bruyant sous les acclamations. La jeune femme ne s’attarda pas, disparaissant dans la foule.
En effet, pendant longtemps le Duc était venu sur les terres écossaises en temps que diplomate. William savait même qu’il n’avait pas toujours été vu du bon oeil. Á vrai dire, son propre père avait dit de se méfier, il n’était jamais bon de s’allier trop rapidement avec un suivant de la couronne anglaise. Ils avaient voué serment à Marie Stuart, et non Elizabeth, ce serait la trahir que de nouer des amitiés profondes avec des opposants à la reine écossaise. Mais bon le jeune homme ne se faisait pas d’apriori négatif sur Lord Snape, il verrait bien ce que ce dernier aurait à dire, comment il se comporterait. Jusqu’à présent, il semblait être un hôte de qualité, et un « ami ». Toutefois, Will ne se faisait pas d’idées. Les Nobles étaient les pires hypocrites du monde. Ils mentaient comme ils respiraient, ils portaient des masques pour se dissimuler aux yeux des autres, faire croire à une bonne entente alors qu’on crache dans le dos.
Il s’apprêtait à excuser ses parents en expliquant qu’ils avaient eu une urgence au port marchand d’Édimbourg, cependant, il n’en eut pas le temps. Déjà un nouvel invité s’invitait au groupe entourant le Duc.
Quand Keith Lowander rejoint la conversation, le jeune homme se sentit de trop. Il devinait que les deux hommes se connaissaient depuis longtemps. Ils étaient si familier qu’ils se tutoyaient, ce qui montrait effectivement une entente de longue date. Poliment, il se glissa un peu en retrait, afin de leur laisser un peu plus d’intimité. Bien vite le Sieur Lowander salua l’audience autour du Duc. Il ne répondit pas que l’ambiance changeait du tout au tout. Une lumière tamisée, de la musique, et soudain les flammes flamboyantes qui déchiraient la nuit. Une jeune femme aux courbes gracieuses fit son entrée en dansant avec une grâce féline. Il en fut captivé. Son père lui avait toujours interdit les loisirs du cirques, les artistes itinérants, le Laird disait qu’ils étaient réservés à la plèbe. Alors c’était la première fois depuis des lustres qu’il assistait à ce jeu d’acrobate. Pendant quelques secondes il eut le malheur de s’imaginer entouré par la jeune femme dansante, mais était-ce au moins elle qu’il imaginait ou une autre créature toute aussi ravissante ? C’était peut-être la première fois qu’il ressentait ce désir de proximité avec un autre être.
D’un geste peut-être trop brusque, il détourna les yeux et croisa le regard vairon de la petite Gawain. Une enfant innocente, de quoi totalement détacher son attention de la danseuse invitant aux milles pêchés. Il lui adressa un léger sourire, sentant qu’elle était tendue, tout comme lui. Ce n’était vraiment pas sa soirée.
( Je n'ai aucune action à faire faire à Eiden pour l'instant, il reste dans son coin )
Je gardais la tête baissée tandis que le lord Snape et le fils du laird Mackinnion discutaient, mais lorsque mon frère me bouscula légèrement sans le faire exprès, je relevais la tête et croisais, par malheur, les pupilles bienveillantes du fils Mackinnion et, honteuse et effrayée de la réaction qu'il pourrait avoir, je rebaissais immédiatement les yeux en me mettant légèrement derrière mon frère. Si j'avais causé du tort à mon père, je savais ce qui m'attendait. Je serais punie. Et pas de la meilleure des façons. Alors je priais intérieurement pour qu'il ne me prenne pas pour un fruit du démon ou autre créature sordide qui serait descendue sur terre afin d'assouvir ses sombres desseins ou autres, mais qu'il sache que ce qui causait la couleur étrange de mes yeux ( particolors bleus et verts ) n'était qu'une simple malformation parfaitement naturelle, tout comme la couleur irréelle de ma chevelure. Je priais de tout mon coeur pour qu'il ne fasse pas de remarque désobligeante ou quelque chose qui nuirait à la réputation de mon père. Et je restais statique derrière mon aîné, sans même accorder un regard aux nouveaux venus dans la salle qui semblaient être le fruit de toutes les attentions.
Le Duc pouvait enfin discuter des sujets importants de la soirée. La fiancée du futur laird s’étant éloignée non sans grâce, Severus se sentit libre d’aborder la discussion sous des formes peut-être moins élégantes. Il savait que les hommes, écossais ou anglais, étaient toujours plus à l’aise sans la pression de devoir se conduire courtoisement face à une dame. D’ailleurs, la question du jeune homme était peu subtile, bien que posée avec sympathie. Il aurait tout le temps de se former aux arts de la conversation. Peut-être même aurait-il recours au savoir-faire du Britannique...Qui sait. Il avait déjà été professeur, sans quête de plaisir mais par intérêt.
« C’est juste, my Lord. Cette réception vise à renouer mes alliances et mes divers contacts avec l’Ecosse, un pays que j’apprécie pour le connaître un peu. Comme j’ai par le passé joué au diplomate en quelque sorte, j’ai eu l’occasion d’échanger avec votre père. J’ose espérer qu’il se porte bien. C’est pourquoi la transition n’est pas si difficile. »
Sa diction très aristocratique en de courtes phrases nettes ajoutait au personnage qui avait longtemps terrifié les jeunes coeurs. Mais l’avantage était de parfois rencontrer des hommes plus courageux et tenaces, qui savaient tenir leur ligne de conduite. Il était curieux de cerner mieux ce futur meneur de clan. Alors qu’il allait poursuivre la discussion, une voix interrompit le flux naissant de sa pensée:Lord Gawain.
-Lord Gawain, Comte...Je crois que tout se déroule bien, pour ma part c’est ce qui compte…
Les prunelles d’onyx brillèrent un peu plus vivement. Son attention se reporta en un éclair sur la progéniture de cette famille. Oui, il les avait vu à l’entrée, comme les autres. Même si le visage du Lord était sombre de nature, il ne put réprimer un léger sourire à peine ironique devant la timidité des plus jeunes. Eux aussi se formeraient. Cette réception était un avant goût seulement, qu’ils en profitent !
Mais les sens aiguisés de Severus l’avertirent d’une nouvelle entrée en scène, et pas des moindres. Keith Lowander...Voilà que cette réception promettait de perdre en bienséance, ce que Severus regrettait déjà, et il était loin d’imaginer ce que ce compagnon de plusieurs soirs avait préparé.
-Keith…Je suis honoré par ta présence.
Finit par répondre le Duc, sur un ton quelque peu glacé, en haussant très subtilement un sourcil. Cet homme, sans être son égal en plusieurs domaines, le connaissait sous un angle bien plus ténébreux. Plus cynique. Quelque part c’était l’un des rares compagnons qu’il se soit jamais permis, et celui ci s’était toujours imposé naturellement. D’ailleurs, l’Anglais n’avait jamais trop compris pourquoi, tout en percevant certains liens évidents.
Toutefois quand son ‘’ami’’ lui murmura à l’oreille, il n’eut pas le temps de craindre le pire que cela arrivait déjà. Avant de pouvoir pester, une femme aussi belle que venimeuse d’apparence se glissa au centre de toutes les attentions. L’air impénétrable, le visage fermé, Severus ne put s’empêcher un tic : il pinça son nez entre ses longs doigts, affligé. Même si une part de lui, cette part obscure que connaissait Keith, appréciait hautement les courbes et les déliés de la créature. Cette part était enfermée dans un cachot de son esprit, au moins pour la soirée sinon pour les mois à venir.
Elle avait fait la route dans une petite calèche qui ne payait pas de mine. Mais ayant l'habitude de voyager dans une roulotte hasardeuse, c'était du grand luxe pour la jeune femme. Bien que sa situation se soit énormément arrangée cette dernière année, elle faisait toujours partie de ce que les riches appelaient la plèbe. Les troubadours, les bohémiens, ceux qu'on n'avait jamais envie d'accueillir dans sa ville. La seule différence était que Lisa jouissait d'un rôle assez particulier car elle se savait soutenue par quelques membres de la famille Lowander, qui lui permettaient de vivre à son aise sans jamais manquer de rien. Ils lui avaient demandé un service pour ce soir. Un personnage qu'ils connaissait bien, donnait une réception à son manoir et ils souhaitaient lui faire cadeau d'un peu d'animation. La demoiselle avait bien sûr accepté et elle s'était trouvée à faire un voyage d'un peu plus de deux jours pour arriver à destination.
Pendant quelques temps elle avait attendu dans la calèche, se repoudrant le nez, et se maquillant les yeux pour être prête au spectacle. On vint toquer à la porte, celui qui annonçait le début de l'enjaillement. Elle attrapa tout son matériel soigneusement préparé, et passa sa cape bien chaude sur ses épaules. Vu ce qu'elle portait, il était hors de question de sortir dans le froid automnal sans se couvrir.
" Ils sont prêts ? "
Demanda-t-elle au serviteur venu la chercher.
Le garçon hocha la tête, l'invitant à le suivre.
Keith Lowander s'avança tout sourire en direction de Lord Snape qu'il n'avait pas vu depuis des lustres. Il le connaissait plutôt bien pour avoir été plusieurs fois à des réceptions parmi lesquels le Duc se trouvait également invité. Il y avait aussi eu des échanges commerciaux entre les familles bien que cela ne soit rien de trop sérieux. Mais étant du même âge que le Lord, forcément ils avaient un lien un peu moins superficiel que ce qu'on y croyait. Ils avaient partagé les bancs de l'école pendant quelques années et même s'ils n'étaient pas les meilleurs amis, ils conservaient une relation complexe.
Il ouvrit les bras pour saluer son ami et les deux nobles en sa compagnie. Loin de lui, l'idée de se montrer impoli, mais son attention se dirigeait premièrement vers l'homme de la réception.
" Bonsoir mon cher ami ! Comment vas-tu depuis la dernière fois que nos routes se sont croisées ? "
Il n'attendit pas la réponse du Duc, comme il le faisait trop souvent et se tourna vers les deux autres.
" Lord Mackinnion, Comte Spirithive, je suis ravi de vous croiser ici. La réception vous plait ? "
C'était peut-être l'occasion de prévenir Snape de son cadeau.
" Á ce sujet, j'ai un petit cadeau pour toi, j'espère qu'il va te plaire. "
Murmura-t-il tout bas à son camarade.
Messire Lowander n'eut guère le temps d'en rajouter qu'une foule d'acrobates entra dans la pièce, jouant de la musique. Un air oriental qui faisait rêver d'ailleurs. Les acrobates formèrent un espace vide au milieu de la pièce, laissant présager qu'un numéro allait y prendre lieu. Ils diminuèrent même les lumières afin de laisser place à la pénombre. Enfin la musique pris plus d'ampleur et telle un serpent capable de mouvoir son corps en de courbes insolites, une jeune femme se glissa au centre de la scène improvisée toute fraichement aménagée. Elle avait avec elle des anneaux de feu avec lesquels elle jouait sans se brûler. Une véritable acrobate comme on en voyait dans les cirques. Avec grâce, elle dansait au son de la musique, sa jupe trop courte pour la majorité des filles de bonne famille présente, tournoyant majestueusement autour de ses hanches, alourdis par de petits médaillons doré pour permettre cet effet de rotation. Elle remarqua Keith en compagnie de l'homme de la soirée, c'était donc pour lui, qu'elle était le présent. Son regard chercha celui de l'homme, elle avait des doutes qu'il apprécie le geste de Lowander.